Actes médicaux : loin d'être toujours utiles…
De l'avis même des médecins, plus d'un acte médical sur quatre serait superflu. Ces actes non justifiés seraient majoritairement effectués à la demande des patients.
72%. C'est le nombre d'actes médicaux pleinement justifiés, d'après un sondage commandé par la Fédération Hospitalière de France (FFH) et réalisé auprès d'un échantillon de médecins dans toute la France. 803 praticiens (hospitaliers, spécialistes et généralistes libéraux) ont ainsi été interrogés par Internet du 27 avril au 4 mai 2012.
Ce sont les médecins généralistes libéraux qui sont les plus catégoriques. Selon eux, 68 % seulement des actes se justifient, devant les médecins hospitaliers (74 %) et les spécialistes libéraux (76 %). Pour leur propre discipline, l'ensemble des médecins estime à 20 % que les actes sont "souvent" justifiés, à 56 % qu'ils le sont "parfois" et à 24 % "très rarement". Chez les généralistes, les réponses sont de 27 %, 59 % et 14 %.
Mais qu'est-ce qu'un acte médicalement injustifié ? "Il n'y a pas de définition universelle. C'est en fait un acte qui, pour les médecins et les sociétés savantes, n'apporte rien au diagnostic et à la thérapeutique. Et donc un acte que l'on doit remettre en question", précise Cédric Lussiez, directeur de la communication de la FHF.
Des actes médicaux à la demande, la volonté de se couvrir
Interrogés sur les raisons de ces actes superflus, les médecins en évoquent plusieurs. En premier lieu, la demande des patients à 85 % (93 % pour les généralistes). Une réalité pour le Dr Benoît Leroy, médecin généraliste à Epinal. "Il est très fréquent d'accéder à la demande du patient par convenance. Quand un patient vient au cabinet plusieurs fois de suite, pour la même demande, il arrive au praticien de céder, pour mettre fin à la situation. Même lorsqu'il pense que cela n'est pas justifié. Cela peut être, par exemple, quelqu'un qui veut absolument se voir prescrire une IRM du genou parce qu'il a une douleur".
Pour Cédric Lussiez, il est naturel que les généralistes soient les praticiens qui déclarent prescrire le plus d'actes jugés inutile. "Ce sont les soignants de premier recours, et donc les plus soumis à la demande contrainte et pressante des malades. Quand on sait qu'une consultation chez un généraliste dure en moyenne 10 minutes, on comprend bien qu'ils n'aient que peu de temps à consacrer à la pédagogie".
D'après le sondage, c'est la peur du risque judiciaire qui est évoquée ensuite à 58 % (60 % pour les hospitaliers). Là encore, Benoît Leroy voit bien de quoi il s'agit. "Je peux être amené à prescrire une analyse biologique ou un examen par exemple, pour me couvrir. Un prescripteur sait qu'il peut être accusé de ne pas avoir mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour poser un diagnostic ou éviter un problème, ou de ne pas l'avoir fait assez tôt. Cette crainte le pousse quelque fois à prescrire des actes inutiles."
D'autres motifs sont également évoqués : "problème de formation des médecins" (39 %), "absence de référentiels partagés par les professionnels" (37 %, mais 49 % parmi les médecins exerçant depuis moins de 10 ans), "absence de contrôle des pratiques" (27 %, mais 42 % parmi les hospitaliers et 15 % chez les généralistes).
Les médecins font leur autocritique
"Il est illusoire de penser que nous pouvons exercer une médecine totalement distanciée, qui ne reposerait que sur des protocoles. C'est là même toute la beauté de ce métier", déclare le Dr Benoît Leroy. "Il nous faut composer avec le patient, sa situation et le rapport bénéfices/risques de ce que nous lui prescrivons. C'est, bien sûr, du cas pas cas".
Pour Cédric Lussiez, "il faut voir dans ce sondage la grande capacité d'autocritique et de réflexion dont font preuve les médecins. Il faut, à mon sens, beaucoup de courage pour admettre qu'il y a encore de gros progrès à faire."