Faut-il mettre du vin dans l'eau de son bain ?
Chaque année, une petite station thermale située à quelques dizaines de kilomètres de Tokyo propose à ses clients de se baigner dans une piscine de beaujolais nouveau, vantant les vertus "rajeunissantes" de telles ablutions. Que n'inventerait-on pas pour faire la fête...
Depuis une quinzaine d'années, plusieurs sociétés commerciales vantent les vertus cosmétiques de diverses molécules extraites de ceps de vigne, de la peau du raisin ou de leurs pépins. De toutes ces molécules fortement médiatisées, le resvératrol est la seule à être significativement présente dans le vin rouge (dans un litre de vin rouge français, vous pouvez trouver en moyenne 5,4 milligrammes de ce polyphénol).
Au niveau intracellulaire, le resvératrol interagit avec de multiples cibles moléculaires. Mais les effets observés - essentiellement associés aux propriétés antioxydantes de ce polyphénol, lorsqu'il est en circulation libre dans l'organisme - sont presque toujours associés à des concentrations importantes.
Des expériences menées en laboratoire suggèrent que certaines combinaisons de molécules incorporant le resvératrol, appliquées sur la peau, engendreraient des réactions protectrices contre les rayonnements ultra-violets. Très peu d'essais cliniques d'envergure ont cependant été réalisés pour démontrer les diverses allégations commerciales des produits cosmétiques intégrant le resvératrol, comme le déploraient en septembre 2013 trois pharmacologues étasuniens reconnus.
Selon eux, une partie des effets revendiqués par certains soins cosmétiques est probable en théorie. "[Mais] les demandes de brevet qui se fondent sur des preuves scientifiques sont pour ainsi dire nulles" - probablement du fait du coût des essais cliniques. Selon ces auteurs, depuis quinze ans, l'utilisation du resvératrol à des fins cosmétiques "est presque exclusivement appuyée par des anecdotes et de la publicité." Les laboratoires commencent toutefois à réaliser des essais de plus grande ampleur pour justifier leurs promesses…
Quoiqu'il en soit, le resvératrol est trop dilué dans le vin pour avoir un effet si celui-ci est versé sur la peau. Des chercheurs allemands ont très sérieusement conduit l'expérience en 2009... A l'issue de leurs travaux, ils confirmaient (si cela était nécessaire) que "des bains de vin n'ont aucun effet en terme de protection solaire".
Pour revenir à notre station thermale nippone, sachez que seules quelques bouteilles de beaujolais sont versées dans l'eau de l'une des piscines, la couleur de l'eau trouvant son origine dans l'ajout d'un colorant violet... Il est donc encore plus improbable que l'immersion dans ces flots ait le plus infime effet bénéfique sur la peau des curistes. En revanche, la plongée s'accompagnant souvent d'une dégustation "généreuse" du breuvage made in France, il n'est pas impossible que les clients de cet établissement finissent dans un triste état.