Le moustique pique depuis (au moins) 46 millions d'années
Des entomologistes étasuniens ont annoncé le 14 octobre 2013 la découverte inédite d'un moustique fossilisé avec du sang dans son abdomen, absorbé pour son dernier repas... il y a 46 millions d'années.
"C'est le premier fossile d'un moustique encore gorgé de sang jamais mis au jour", a affirmé Dale Greenwalt, un biochimiste retraité travaillant au Musée d'Histoire naturelle de Washington et principal auteur de cette découverte, parue dans les Comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS). Le fossile reposait dans la collection d'un entomologiste américain constituée il y a plus de 25 ans, et récemment léguée au musée.
Du fait de la fragilité de l'ADN, celui-ci ne subsiste pas au processus de la fossilisation. "Cependant, d’autres molécules organiques, notamment [des molécules contenant du fer au cœur des processus d’échanges sanguins] peuvent rester intactes", notent les chercheurs. Cette découverte ne débouchera donc jamais sur l'ouverture d'un Jurassik Park (en l'occurence, d'un "Paleogen park", le paléogène étant la période à laquelle évoluait l'insecte).
Du sang dans un moustique vieux de 46 millions d'années
Bien que 14.000 espèces d'insectes se nourrissent de sang, dont des tiques, des puces et des moustiques, il n'y a quasiment pas eu de fossiles découverts témoignant de ce mode d'alimentation dans l'histoire de l'évolution.
Seuls quatre spécimens fossilisés ont été trouvés dans lesquels des parasites de la maladie du sommeil (le trypanosome) et du paludisme (le plasmodium) indiquent que ces insectes se nourrissaient de sang, relèvent les chercheurs.
Mais le moustique provenant d'une couche sédimentaire d'un ancien lac du Montana (ce qui a permis de dater le spécimen) est le seul à ce jour qui a permis de montrer que l'hémoglobine ou, tout du moins, des molécules qui en sont dérivées, peuvent être préservées dans un fossile.
A l'aide d'une technique d’analyse qui préserve l’intégrité du fossile, les scientifiques ont constaté que l’abdomen du moustique contenait des teneurs très élevées de fer, dont la source la plus probable est celle de molécules de porphyrine, qui entrent dans la composition du sang.
Ces données confirment l'existence de la préservation de biomolécules complexes dans des fossiles pendant de très longues périodes, soulignent les chercheurs. Ils notent aussi que d'autres grandes molécules plus fragiles comme l'ADN ne survivent généralement pas à la fossilisation.
A qui appartient ce sang ?
Le dernier repas de notre moustique a eu lieu il y a 46 millions d'années, soit près de dix-neuf millions d'années après l'extinction des dinosaures. Nous sommes au cœur de l'éocène (époque centrale du paléogène), plus précisément durant la période connue sous le nom de lutétien.
De nombreux petits mammifères évoluaient déjà dans les zones de chasse de notre insecte : des rongeurs primitifs, les premiers primates, divers animaux périssodactyles (dont les descendants sont nos chevaux, tapirs et hippopotames) et artiodactyles (ancêtres des dromadaires) ainsi que certains proboscidiens (et donc, de lointains ancêtres des éléphants). Notre moustique aurait également pu croiser la route d'un crocodile…
Source : Hemoglobin-derived porphyrins preserved in a Middle Eocene blood-engorged mosquito D. Greenwaltet coll. PNAS 2013 doi:10.1073/pnas.1310885110
Le fossile le plus ancien de moustique jamais découvert est âgé de près de 95 millions d'années... une époque où les dinosaures, disparus il y a 65 millions d'années, étaient encore sur la planète! Cependant, ce vénérable doyen ne contenait pas de sang.