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Les cellules pilotent au frein à main

Comment une cellule en migration peut-elle se diriger ? Si les scientifiques observent depuis longtemps la façon dont les cellules projettent une partie de leur membrane pour effectuer leurs déplacements, les mécanismes qui permettent à celles-ci de tourner ou de freiner (en somme, de se piloter !) leur était totalement inconnus. Une équipe internationale coordonnée par le CNRS vient de découvrir la protéine aux commandes de toutes les cellules mobiles !

Florian Gouthière
Rédigé le

Pour se déplacer, les cellules mobiles sont capables de projeter une partie de leur membrane, qui s’agrippe à des filaments (l’intégrine) présents dans le milieu environnant. Une méthode peu ou prou employée par les patineurs débutants qui s’accrochent au mobilier urbain pour se déplacer le long d’une avenue. Mais les cellules se déplacent avec beaucoup plus d’agilité et de grâce que ne le suggère cette analogie. Elles jettent leurs câbles sur de petits points d’ancrage, commencent à se hisser jusqu’à eux, freinent, puis se déploient dans une autre direction…

Une équipe de chercheurs a scruté, à l’aide d’un modèle informatique, la très longue liste des molécules qui interagissent avec la membrane cellulaire (plus précisément, avec le composé du nom d’actine) lors des processus de déplacement. Leurs logiciels ont révélé l’existence d’une protéine jusqu'ici inconnue, que les scientifiques ont affublé du nom d’Arpin.

Au cours d’une série d’expériences, les chercheurs se sont aperçus que la protéine Arpin, avait le pouvoir d’inhiber les processus de projection membranaires.

"[La protéine] ne s'active qu'au moment où le signal de projeter la membrane est donné", expliquent les chercheurs dans un communiqué, "un peu comme si un conducteur freinait au même moment qu'il accélérait."

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont éliminé toute trace de protéine Arpin dans des types de cellules très variées, telles que des amibes ou des cellules tumorales. Les cellules dépourvues de ce frein moléculaire migraient plus vite, mais aussi de façon plus rectiligne. Ainsi, non seulement la protéine Arpin freine la cellule, mais en plus, elle lui permet de tourner. (1)

L'effet de cette protéine étant localisé dans la membrane cellulaire, son activation freine le déploiement d’un groupe précis de filaments d’actine (grossièrement, le "déroulement du câble") sans empêcher la formation d’autres filaments ailleurs dans le pourtour de la cellule.

La découverte d'Arpin pourrait révolutionner les recherches relatives aux processus de développement de l’embryon (la migration cellulaire étant indispensable à la formation des grands axes de développement de l’organisme), mais également celles concernant le traitement du cancer.

"En effet, les cellules cancéreuses sont capables de réactiver le programme de migration cellulaire et ainsi produire des métastases qui envahissent l'organisme", commentent les scientifiques. "La découverte de cette protéine pourrait donc avoir des répercussions tant sur le diagnostic des tumeurs invasives que sur les interventions thérapeutiques qui visent à bloquer la formation de métastases."

(1) Ces deux fonctions de la protéine Arpin sont communes à toutes les cellules mobiles étudiées par les chercheurs, des organismes les plus primitifs aux cellules des mammifères supérieurs. Cette conservation au fil de l’évolution démontre le rôle absolument fondamental de cette protéine.

Source : Inhibitory signalling to the Arp2/3 complex steers cell migration, Irene Dang, Alexis Gautreau et coll. Nature, oct. 2013 doi:10.1038/nature12611

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