Paludisme : une piste de recherche pour empêcher la transmission de la maladie
Pour éviter un fort choc thermique au moment où il ingère le sang de sa victime, le moustique anophèle excrète par l'anus une goutte d'urine mêlée à une goutte de ce sang qu'il rejette afin de refroidir son abdomen et protéger ainsi son intégrité physiologique. Une stratégie observée par Claudio Lazzari et Chloé Lahondère, chercheurs à l'Institut de recherche sur la biologie de l'insecte (IRBI) (CNRS/Université François Rabelais de Tours).
Ces résultats, publiés le 10 janvier 2012, dans la revue Current Biology, constituent une nouvelle piste de recherche dans le contrôle de la transmission de certaines maladies transmises par ces moustiques, comme le paludisme, par exemple.
C’est grâce à une caméra de thermographie infrarouge que l’équipe du CNRS a percé les mystères de la régulation de chaleur chez le moustique. L’étude a été menée chez l’anophèle, la femelle moustique, principal vecteur du paludisme. Les insectes sont des animaux dits "echtothermes", c’est-à-dire que leur température corporelle dépend de la température ambiante. Des variations brutales peuvent avoir des conséquences néfastes pour leur physiologie. Or à chaque fois qu’un moustique se nourrit du sang d’un mammifère, il entre dans son corps une grande quantité de liquide plus chaud que le sien. Le moustique est donc soumis à un choc thermique.
L'insecte a donc développé une stratégie tout à fait étonnante pour réguler sa température corporelle. Pendant qu’il ingère le sang de sa victime, il émet rapidement par l’anus une gouttelette de liquide (composée d’urine et de sang de la victime) et la retient ! Parce que cette goutte est en contact avec l’air elle va s’évaporer et refroidir, ce qui va permettre aussi à l’abdomen du moustique de baisser en température. C’est ce qu’on appelle le mécanisme de l’evaporative cooling, il est favorisé par la posture du moustique qui se pose sur sa victime tout en maintenant son postérieur surélevé.
Cette capacité d’éviter le réchauffement corporel permet aux moustiques de protéger leur intégrité physiologique (c’est-à-dire à terme, leur survie), l’intégrité de la flore symbiotique qu’ils abritent et celle éventuellement, des parasites qu’ils transmettent, en particulier le plasmodium-vecteur du paludisme.
Les chercheurs se réjouissent de cette découverte et espèrent qu’elle leur apportera des informations sur les façons d’empêcher la transmission du paludisme. C’est la question que se pose Claudio Lazzari, co-auteur de l’étude du CNRS : "La survie du moustique et celle du plasmodium sont-elles liées à cette stratégie de thermorégulation ? C’est une hypothèse que nous devons encore confirmer par des recherches. Mais si c’était le cas, cela pourrait nous ouvrir une voie pour agir sur la transmission du paludisme".
Source : Mosquitoes Cool Down during Blood Feeding to Avoid Overheating", Chloé Lahondère, Claudio R. Lazzari, Current Biology, Volume 22, Issue 1, 40-45, 15 December 2011