Quand la recherche épingle la recherche
Fraude, plagiat, gain, les études biomédicales ne sont pas épargnées par la logique mercantile. Selon une recherche publiée le 1er octobre 2012, aux Etats-Unis, 67 % des rétractations d'études biomédicales sont retirées au motif de fautes professionnelles.
Les chercheurs ont passé en revue 2 047 études ayant fait l'objet d'une rétractation dans la littérature biomédicale. Pour déterminer les raisons de ces retraits, ils ont recoupé les sources des publications, des instituts nationaux américains de la santé et celles du site Retractionwatch.com qui enquête justement sur ces retraits.
Près de 43 % des rétractations étaient attribuables à des erreurs, 21 % résultaient d'une erreur 12 % n'avaient pas de cause établie.
"Le plus préoccupant, c'est que plus la fraude est sophistiquée, moins grandes sont les chances de la démasquer", a relevé le Dr Arturo Casadevall, de l'Albert Einstein College of Medicine à New York, un des principaux auteurs de cette enquête parue dans les Annales de l'Académie américaine des sciences - Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). "Ainsi, il existe probablement davantage d'études frauduleuses non détectées dans la littérature médicale", a-t-il ajouté.
Ces cas de fraudes scientifiques ont déjà été dénoncés à plusieurs reprises. Il y a un an, l'éditeur canadien, Thomson Reuters, spécialiste de la littérature scientifique, tirait déjà la sonnette d'alarme. Entre 2001 et 2005, 87 articles scientifiques contenaient des informations fausses ou des résultats "arrangés". Ce chiffre est passé à 436 entre 2006 et 2010.
Mais, qu'est-ce qui pousse les scientifiques à publier des fausses informations ? Pour mieux comprendre l'envers du décor, nous avons demandé à David Zavaglia, docteur en biologie cellulaire et moléculaire de répondre à nos questions :
David Zaglia : "Pour les chercheurs, multiplier les publications dans les revues scientifiques, c'est s'assurer une renommée personnelle et surtout obtenir des financements pour son laboratoire.
"La fréquence des publications est une carte de visite importante, mais pas seulement. Il faut publier dans des revues scientifiques à forte influence, ce qu'on appelle "l'impact factor".
"Le droit d’entrée dans ces revues a un prix : des résultats percutants. C'est sans nul doute ce qui pousse certains scientifiques à franchir la ligne jaune."
David Zaglia : "Il n'y a pas de critères ou de liste à proprement parlé.
"Lorsqu'un chercheur fait parvenir son étude à une revue, cette dernière prend soin de la vérifier. C'est le travail des reviewers (comité de relecture et de contrôle), qui passent au crible l'étude avant sa publication.
"Seul souci et pas des moindres, les fraudes sont de plus en plus sophistiquées, ce qui rend la tâche des reviewers plus compliquée."
David Zaglia : "Avant publication, les études passent toutes entre les mains des reviewers. Maintenant, ce qui valide une étude c'est sa reproduction à l'identique par d'autres chercheurs."
Source : "Misconduct, Not Error, Accounts For Most Scientific Paper Retractions", Albert Einstein College of Medicine, 1er octobre 2012.
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