Quand les souris ont froid, les chercheurs tremblent...
La découverte jette un froid dans le milieu de la recherche : chez les souris de laboratoire, les mécanismes immunitaires associés à la lutte contre les tumeurs seraient très fortement influencés par la température ambiante. En conséquence, de nombreuses études de cancérologie pourraient être biaisées.
Les chercheurs en cancérologie ont beau être à l'aise dans leurs laboratoires, dont la température ne descend pas au dessous de 20°C et ne dépasse jamais 26°C, cette ambiance est loin d'être confortable pour les souris.
De fait, les chercheurs savent depuis longtemps que cet environnement, "froid" du point de vue de ces animaux (voir encadré), provoque chez eux certains symptômes de stress chronique. La température ambiante influencerait également le développement de l'obésité.
Or, une équipe d'immunologues new-yorkais vient de démontrer que ces conditions thermiques influencent également... les mécanismes immunitaires des souris (1). Ils ont plus précisément observé que plus la température ambiante était basse, moins les réactions immunitaires anti-tumorales étaient fortes avec, en conséquence, l'accélération de la croissance des tumeurs et le développement de métastases.
L'organisme des souris produirait par ailleurs des cellules immunosuppressives en plus grand nombre (des cellules sécrétant des protéines qui inhibent l'effet de différents facteurs immunitaires).
Ces travaux, publiés le 18 novembre 2013 dans les Proceedings of National Academy of Sciences, démontrent que de nombreuses expérimentations de médicaments ne sont pas réalisées dans des conditions optimales. "Les essais de nouveaux traitements [sur le modèle animal] échouent souvent à prédire leurs effet sur l'homme", observent les chercheurs, en se référant à plusieurs études récentes.
"L'approche scientifique commune qui consiste à étudier l'immunité contre les tumeurs chez la souris aux températures standardisées du laboratoire est susceptible de limiter notre compréhension du réel potentiel de cette immunité", poursuivent les auteurs. Les effets de certaines thérapies pourraient ainsi être sous-évalués, et certains protocoles de soins écartés, du fait de conditions expérimentales inadéquates.
Selon les chercheurs, définir de nouveaux modèles expérimentaux serait utile "non seulement pour les études d'immunothérapie, mais également pour celles concernant la radiothérapie et les chimiothérapies, très dépendantes des réponses immunitaires anti-tumorales."
(1) A noter qu'en 2011, une étude publiée dans la revue Nature avait déjà démontré l'effet de la température ambiante sur la production de macrophages.
Source : Baseline tumor growth and immune control in laboratory mice are significantly influenced by subthermoneutral housing temperature. K. Kokolus et al. PNAS, nov. 2013. doi:10.1073/pnas.1304291110
La quantité d'oxygène consommé par le métabolisme des êtres vivants varie en fonction de la température ambiante. Lorsque cette quantité d'oxygène est minimale, la température est qualifiée de "neutre" ou d'optimale. Pour les souris, cette température optimale oscille entre 30 et 31°C.