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Sida : la lettre de Bruno Spire au futur président de la République

La santé est la préoccupation numéro 2 des Français, juste après l'emploi. Pourtant elle reste quasiment absente des programmes des candidats à l'élection présidentielle. La rédaction d'Allodocteurs.fr a demandé à plusieurs acteurs de la santé d'écrire une lettre au futur président de la République. Euthanasie, avortement, urgences, médicaments, droit des patients, sida... En espérant que ces thèmes de santé feront enfin leur apparition dans la campagne électorale...

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
Bruno Spire, président de AIDES

Madame, Monsieur le futur président de la République,

Vous serez bientôt confronté à des choix politiques déterminants pour l'avenir de notre pays. Pour l'association que j'ai l'honneur de présider, cette élection pourrait marquer un tournant historique : celui de la fin du sida. C'est, je vous le concède, une lourde responsabilité. C'est aussi un formidable espoir qui se dessine, une opportunité que vous ne pouvez laisser passer.

Face à une maladie pour laquelle nul vaccin n'existe, la politique peut-elle vraiment quelque chose ? Oui, plus que jamais. Parce qu'il touche d'abord les publics les plus stigmatisés, parce qu'il agit comme le révélateur de problèmes que la société refuse d'affronter, le sida est par nature une maladie politique. Or pour la première fois, nous savons comment y mettre fin. Nous savons que les traitements ne se contentent pas de sauver la vie des malades, ils empêchent aussi la transmission du virus. Le traitement devient un formidable outil de prévention, capable à l'échelle collective d'enrayer définitivement l'épidémie. Une société débarrassée du sida devient pour la première fois un objectif réaliste.

Pour autant rien n'est joué. Si la science a fait de fantastiques progrès, encore faut-il que tous les malades puissent en bénéficier. Dans notre pays, la situation sociale des populations vulnérables est en pleine régression. A tel point qu'elle contribue à nourrir l'épidémie. Quant aux financements internationaux pour l'accès aux traitements dans les pays du Sud, ils ne cessent de baisser depuis 2010. C'est en cela, monsieur le futur président de la République, que vous aurez un grand rôle à jouer. Car les progrès de la science ne suffiront pas, d'autres paramètres entrent en jeu : les moyens financiers et matériels des personnes touchées, leur logement, leur réseau social… et surtout, surtout, le respect de leurs droits les plus élémentaires.

Qui peut croire que nous vaincrons le sida en menant la chasse aux pauvres et aux étrangers ? En réduisant leurs droits ou leurs revenus ? Qui peut croire que l’on empêchera de nouvelles contaminations en laissant les toxicomanes croupir en prison, sans aucun accès à des seringues propres ? Qui peut imaginer que l’on viendra à bout de l'épidémie en maintenant les gays dans une citoyenneté de seconde zone ou en acculant les travailleurs du sexe à toujours plus de clandestinité ? Et que penser de la situation au Sud, où 60 % des malades n'ont toujours aucun accès aux traitements, faute de financements à la hauteur de l'enjeu ?

C'est ici que choix de société et volonté politique entrent en jeu. Nous assistons depuis trop longtemps à la lente érosion de notre système de protection sociale, au recul des droits sociaux, à la précarisation toujours plus forte des malades. Il est grand temps de changer de cap. Demain viendra l'heure du choix. Celui des citoyens, celui du futur président aussi. Choisirez-vous d'être le garant de la santé publique ou celui de la répression ? Opterez-vous pour une société plus solidaire ou toujours plus individualiste ? Serez-vous l'homme des choix courageux ou celui du renoncement ? En définitive, serez-vous le président qui mettra fin au sida ?

 

Bruno Spire,
Président de AIDES

 

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