Urgences : une patiente retrouvée morte en salle d'attente 6h après son arrivée
Une femme de 61 ans conduite samedi aux Urgences de Cochin pour soigner une plaie à la jambe, et renvoyée en salle d'attente après avoir été vue par l'infirmière d'accueil, a été retrouvée morte six heures plus tard sur son siège, a-t-on appris hier, mercredi 19 février 2014, de source hospitalière. Une enquête a été ouverte par l'AP-HP. Pour les syndicats, l'incident était "prévisible", dans un contexte "où les Urgences sont saturées à plus de 200%".
Dans un communiqué rédigé dans la soirée du 19 février 2014, l'AP-HP explique que la sexagénaire avait été conduite aux Urgences de l’hôpital Cochin à 17h15 "par les pompiers, pour une plaie du pied, suite à une chute sans signe de gravité." Il précise que "la patiente a été prise en charge dans la demi-heure pour un premier examen" (voir encadré) qui, toujours selon l'AP-HP, "n’a pas [...] montré de signe de gravité objectif". La patiente aurait ensuite été installée "en zone de surveillance, à proximité des soignants."
"Il existe des incertitudes sur ce qui s'est déroulé dans les heures qui ont suivi", reconnait l'AP-HP. Ce n'est en effet qu'à 23h00 que le corps sans vie de la patiente a été retrouvé sur son siège.
Une enquête interne a été diligentée "pour éclaircir les circonstances et les causes de ce décès inexpliqué".
Un incident "annoncé" ?
Pour le Dr Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, responsable du Collectif des Médecins de la CGT, chercher à comprendre cet événement revient "à faire la chronique d'un incident annoncé."
"On avait alerté sur le fait qu'il y allait avoir de tels incidents !" Nous n'avons cessé d'avertir, depuis des mois, que les patients s'accumulaient dramatiquement dans des services d'urgences déjà bondés."
L'AP-HP précise, dans son communiqué, que "les effectifs médicaux et paramédicaux étaient au complet" et note, sans plus de détails, que "l'activité du service d'accueil des Urgences de l'Hôpital Cochin le samedi 15 février 2014 était dans la moyenne de celle observée ces dernières semaines".
"Le responsable moral, c'est M. Hirsch"
"En terme de personnels, les hôpitaux parisiens sont très au dessous des normes préconisées par Samu-Urgences-de-France", poursuit le Dr Prudhomme. "Au-delà d'un certain volume d'activité, on n'a plus de gain, mais des déficiences, et une augmentation de mortalité à pathologie équivalente. Aujourd'hui, à Cochin, les conditions sont inadaptées pour assurer la sécurité des patients. Voilà pourquoi nous refusons que l'on impute les erreurs au personnel en charge du tri des patients : il y a un responsable, un responsable moral, et c'est M. Martin Hirsch, nouveau président de l'AP-HP, qui a maintenu toutes les décisions de son prédécesseur. Une responsabilité partagée avec l'ensemble des responsables de service qui cautionnent cette situation."
Cet incident survient en effet dans un contexte très tendu : celui de la fermeture des Urgences de l'Hôtel-Dieu de Paris, et du report des consultations vers les services des autres établissements hospitaliers parisiens.
Les résultats de l'enquête connus "la semaine prochaine"
A l'issue d'une conférence de presse Martin Hirsch, a déclaré le 20 février qu'"à (sa) connaissance il n'y avait pas d'interférence" entre le décès et la réorganisation de l'Hôtel-Dieu.
Selon le directeur de l'AP-HP, le service des Urgences a reçu ce jour-là "152 personnes", estimant cette fréquentation "dans la moyenne" pour Cochin.
Le professeur Stanislas Chaussade, président de la Commission médicale d'établissement de Cochin, a déclaré à la presse que "trois médecins seniors et trois internes [étaient] de permanence" à l'heure de la découverte du corps, ajoutant qu'il n'y avait pas eu de "problème de personnel". L'AP-HP a ultérieurement déclaré à Allodocteurs.fr qu'il y avait, "jusqu'à 21h00, cinq médecins seniors et cinq internes" de permanence aux Urgences de Cochin.
Les résultats de l'enquête devraient être connus dans le courant de la semaine prochaine.
Selon l'AP-HP, la patiente ne présentait pas au moment de rencontrer l'infirmière d'accueil, de signes laissant présager son décès.
Le terme de triage, dans le contexte hospitalier, désigne le protocole par lequel l'urgence de prise en charge des patients (ce que l'on appelle également le "besoin de soins") est évaluée. Dans un premier temps, la plainte du malade est transcrite en mots au cours d'un échange verbal. La tension artérielle, le pouls, le niveau de douleur et la température du patient sont ensuite mesurés, afin d'affiner le tri.
Si le pronostic vital est engagé à très court terme, le patient est dit en "tri 1", et doit être pris en charge sans délai. A l'inverse, si aucune action diagnostique spécifique ou thérapeutique n'est vraisemblablement à envisager, le patient sera classé en "tri 5".