Chlordécone : vers de nouvelles quantités tolérées dans les aliments
La Direction générale de l'alimentation a décidé de revoir les quantités autorisées de chlordécone dans les aliments suite au recours de l'association guadeloupéenne EnVie-Santé.
C'est une victoire de l'association guadeloupéenne EnVie-Santé dans son combat pour dénoncer la toxicité du chlordécone et mieux protéger la population contre les effets de ce pesticide massivement utilisé dans l'île jusqu'en 1993. Elle demande notamment aux autorités sanitaires la révision des taux de chlordécone tolérés dans les aliments.
En l'absence de réponse à une première requête envoyée le 25 avril 2018, à la ministre de la Santé, au ministre de l'Economie et des Finances, au ministre de l'Agriculture et à la ministre des Outre-Mers, EnVie-Santé a déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris le 29 juin 2018. Elle y demandait l'abrogation de l'arrêté du 30 juin 2008 qui définit justement les Limites Maximales de Résidus de chlordécone (LMR).
Une "rupture d'égalité" entre les Antilles et la métropole
Car l'association dénonce une "rupture d'égalité" entre les Antilles et la métropole. Les LMR sont de 20 µg/kg pour les denrées cultivables sous climat tropical (fruits tropicaux, agrumes, légumes ou cannes à sucre) contre seulement 10 µg/kg pour le blé, le riz, les pommes, les poires ou la betterave sucrière cultivés en métropole. "Nous sommes victimes de discrimination", dénonce Philippe Verdol, président d'EnVie.
Deux mois après avoir lancé cette procédure judiciaire, il recevait, via son avocat, un courrier de Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation (DGAL) avec de bonnes nouvelles puisqu'il annonce que cet arrêté sera abrogé dans les meilleurs délais. Par ailleurs, poursuit Patrick Dehaumont, "les autorités françaises ont sollicité la Commission auropéenne (...) sur la nécessité de réviser le dispositif de contrôle des résidus de la chlordécone dans les produits carnés". Et enfin, "l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, de l'environnement et du travail (Anses) a été saisie afin qu'elle mène une expertise pour définir une valeur critique d'imprégnation de la population à la chlordécone (...) et (...) réexamine les valeurs toxicologiques de référence".
Des valeurs de référence "obsolètes"
Ces valeurs toxicologiques de référence (VTR) quantifient le risque pour la santé d'une exposition à une substance toxique. Elles sont déterminantes puisqu'elles constituent la base de calcul des quantités tolérées (LMR). Pour l'association, il est temps de les réviser car les VTR actuelles sont "inabouties et obsolètes". "Cette attitude a priori favorable du gouvernement français qui semble vouloir éviter un affrontement en justice avec EnVie-Santé ne peut que nous réjouir", déclare Philippe Verdol. "Cependant, nous devrons rester vigilants jusqu'à la concrétisation de ces différentes annonces".
Cette concrétisation peut en effet prendre du temps. La DGAL a confirmé à l'AFP la saisie de l'Anses pour "réexaminer les VTR en se fondant sur les dernières études épidémiologiques conduites par le ministère de la Santé, Santé publique France et l'Inserm sur les consommateurs des Antilles". Mais ces études pourraient durer de un an à 18 mois, a indiqué à l'AFP un porte-parole de l'Anses.
En attendant, la population reste exposée à cet insecticide à la fois cancérogène et perturbateur endocrinien. Le chlordécone a été utilisé aux Antilles de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Interdit en France en 1990, mais seulement en 1993 par dérogation aux Antilles, il persiste très longtemps dans l'environnement.