Compteur Linky : 13 plaignants dits "électrohypersensibles" gagnent leur procès
Le tribunal de Bordeaux a ordonné à Enédis de poser des "filtres" sur les compteurs Linky de 13 personnes sensibles aux ondes électromagnétiques. L’électrosensibilité ne dispose pourtant d’aucune preuve scientifique.
Le 23 avril 2019, le tribunal de Bordeaux a donné raison à 13 plaignants opposés aux nouveaux compteurs Linky en raison de leur "électrohypersensibilité" aux ondes émises par cet appareil. 200 autres personnes, non identifiées électrohypersensibles (EHS) mais craignant une atteinte à leur vie privée ou à leur libre choix, ont quant à elles été déboutées. Cette décision de justice survient un mois après une première décision historique rendue au Tribunal de Grande Instance de Toulouse : le 18 mars dernier, 13 plaignants dits électrohypersensibles obtenaient le droit de ne pas installer de compteur Linky dans leur foyer situé en Haute-Garonne. A Bordeaux, le juge a enjoint à Enédis de poser sous deux mois un "dispositif de filtre les protégeant" des champs électromagnétiques des compteurs Linky. Pour Maître Pierre Hurmic, l’avocat des plaignants, il s’agit d’une "brèche timide, incomplète", car elle "n'interdit pas la pose" du compteur, enviant ainsi la décision "plus audacieuse" du juge des référés à Toulouse.
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Aucune donnée scientifique validée
Mais sur quelles preuves s’est appuyé ce jugement ? Les 13 requérants supposés EHS ont obtenu gain de cause en présentant des certificats médicaux et invoqué des symptômes (maux de têtes, insomnies, notamment) qui "justifient d'un trouble manifestement illicite", car la pose d'un Linky s'est faite chez eux "sans la pose d'un filtre les protégeant des champs électromagnétiques", selon le juge bordelais.
Pourtant, "aujourd’hui, en l’état actuel des connaissances, l’EHS n’est pas considérée dans le système médical comme une maladie donnant droit à une prise en charge et il n’existe pas d’outils de diagnostic reconnus" expliquait en mars dernier à Allodocteurs.fr Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques aux agents physiques à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). De même, les tests utilisés pour "diagnostiquer" une électrohypersensibilité "ne reposent pas sur des données scientifiques validées" rappelait Olivier Merckel. "Aujourd’hui, il n’existe pas de test biologique ou comportemental au fondement médical sérieux" ajoutait enfin le spécialiste.
Principe de précaution
A l'audience de Bordeaux, l'avocat d'Enédis a assuré que les compteurs Linky ne développaient "pas plus d'effet significatif que d'autres objets du quotidien", tels que les babyphones, les prises de smartphones, les plaques à induction ou encore le wi-fi. La société rappelle également que "toutes les mesures réalisées par les organismes indépendants mettent en évidence des niveaux de champs électriques et magnétiques très largement inférieurs aux limites réglementaires".
D’un point de vue scientifique, "aucun lien de causalité entre les symptômes des EHS et leur exposition aux ondes n’a pour le moment pu être établi", nous précisait Olivier Merckel. Mais même si les risques sanitaires des ondes électromagnétiques et du compteur Linky ne sont pas reconnus, les décisions de justice de Bordeaux et de Toulouse s’appuient sur un principe de précaution. D’autant que "même si le lien de causalité n’est pas prouvé, nous sommes obligés de constater que le problème existe. Les personnes qui perçoivent et vivent ces symptômes ont besoin de solutions et de prises en charge" constatait également Olivier Merckel.
Comme pour le jugement rendu à Toulouse, Enédis "a prévu de faire appel de cette décision", a précisé la filiale d’EDF à l'AFP, mais a tout de même assuré faire preuve d’une "démarche d’écoute à l’égard de certains de [ses] clients qui se déclarent électro-sensibles".