Le Roundup® bientôt banni des jardineries ?
La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a annoncé ce 14 juin, sur France 3, vouloir interdire la vente en libre service dans les jardineries du Roundup®, désherbant vedette de la société Monsanto, afin de lutter contre les effets néfastes des pesticides.
"La France doit être à l'offensive sur l'arrêt des pesticides", a déclaré Ségolène Royal. "Elle doit être aussi à l'offensive sur l'arrêt des pesticides dans les jardins et je vous annonce que j'ai demandé aux jardineries d'arrêter de mettre en vente libre le Roundup® de Monsanto", le géant américain des semences et de l'agrochimie.
Cancérigène "probable" pour l'homme selon l'OMS
Fin mars 2015, des experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé statuaient sur la cancérogénicité probable pour l’homme du glyphosate. Cette substance herbicide, présente dans plus de 750 produits commercialisés de par le monde, est l’ingrédient actif du RoundUp® [1].
La position des experts était mesurée, car les preuves de la cancérogénicité du glyphosate sur l’homme sont jugées "limitées". L’hypothèse d’un effet sur la genèse de lymphomes non hodgkiniens chez les agriculteurs est appuyé par trois études cas-contrôle (comparaison de populations de profils équivalents dont une partie est exposée à la substance étudiée) réalisées indépendamment aux Etats-Unis, au Canada et en Suède. Toutefois, une large étude de la population agricole nord-américaine ne confirmerait pas cette tendance.
Mais des études sur l’animal de laboratoire renforcent les soupçons. L’apparition de divers cancers rares a été favorisée chez le rat et la souris dans plusieurs études validées par l’OMS. Des expériences de laboratoire ont montré des interactions cellulaires à des niveaux profonds sur des cellules de mammifères, dont l’homme. Les experts du CIRC relèvent enfin une étude "rapportant une augmentation des marqueurs sanguins de lésions chromosomiques chez les habitants de plusieurs communautés [agricoles exposées lors de] pulvérisation de glyphosate".
"Pas de risque particulier" selon Monsanto
Dans un communiqué transmis à l'AFP, le groupe Monsanto explique ne pas avoir à ce stade "d’information réglementaire concernant une évolution de l’autorisation de mise sur le marché du désherbant Roundup®".
L’entreprise juge qu'"absolument aucune nouvelle donnée scientifique récente ne permet de remettre en cause cette autorisation" et estime que "dans les conditions recommandées d'utilisation figurant sur l'étiquette, le produit ne présente pas de risque particulier pour l'utilisateur". Monsanto précise enfin qu'il continue "à travailler activement avec les autorités compétentes pour assurer la ré-homologation décennale européenne du glyphosate".
"Un bon signal" de l'avis de plusieurs associations
"Si l'interdiction de la vente aux particuliers des pesticides type Roundup® était anticipée, par la loi ou par des accords volontaires, ce serait évidemment un bon signal", indique de son côté à l'AFP Matthie Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.
La Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath) a quant à elle salué cette décision dans un communiqué, rappelant qu'elle ""accompagne les victimes de ces produits". "S’il est évidemment indispensable de renforcer l’information dans les jardineries pour les amateurs, c’est également l’utilisation des pesticides en milieu professionnel sur lequel il convient de travailler pour éviter le développement de maladies professionnelles", écrit la Fnath.
[1] D’autres composés présents dans la formulation commerciale sont susceptibles d’interagir avec ce glyphosate. Ces interactions font actuellement l’objet d’études de toxicité aux Etats-Unis et en Europe.
Cette annonce intervient quelques jours après que l'association de consommateurs CLCV ait interpellé les agences sanitaires françaises et européennes et le ministre de l'Agriculture sur le glyphosate, demandant notamment qu'il ne soit plus vendu en libre service aux jardiniers amateurs. Dans un communiqué diffusé le 11 juin, Ségolène Royal et Stéphane Le Foll (ministre de l'Agriculture) indiquaient "[qu’]à compter du 1er janvier 2018", l’accès aux produits phytosanitaires pour les jardiniers amateurs ne pourra se faire que "par l’intermédiaire d’un vendeur certifié". "L’acheteur amateur bénéficiera ainsi d’un conseil renforcé systématique lors de la vente de ces produits avec une information sur les interdictions à venir et les alternatives."