Une aide insuffisante pour l'agriculture bio ?
Alors que le gouvernement affiche la volonté d'inciter toujours plus d'agriculteurs à se convertir au bio, son discours est parfois contradictoire. Fin février 2015, le montant des subventions accordées aux agriculteurs qui font le choix de rester dans le bio a été réduit de 25%. Face à la mobilisation des professionnels, des fonds ont finalement été débloqués en urgence. Néanmoins, le financement du secteur bio n'est pas vraiment assuré pour les années à venir et la profession reste très inquiète… Les agriculteurs bio ont manifesté ce 17 mars dans diverses villes de France pour réclamer des garanties sur l'avenir de ces aides.
"Les producteurs bio en ont gros sur la patate", "nous ne sommes pas là pour faire bio", banderoles noires dans les cortèges : de Nantes à Besançon en passant par Clermont-Ferrand, quelques centaines d'agriculteurs de bio, qui manifestent rarement, se sont mobilisés mi-mars, parfois avec leurs tracteurs.
Des actions étaient prévues dans 17 régions, selon la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab), qui appelait les producteurs à protester contre la réduction de 25% des aides 2014 au maintien de l'agriculture bio. Les aides à la conversion n'étaient pas concernées.
Alors que le gouvernement veut doubler les surfaces bio d'ici à 2017, la Fnab dénonçait un signal "incohérent". La coupe budgétaire s'expliquait par des demandes d'aides supérieures au budget disponible, avait expliqué la semaine dernière le ministère de l'Agriculture : 117 millions contre 103 millions alloués au titre du 1er pilier de la Politique agricole commune (PAC).
14 millions d'euros versés "dans le courant de l'été"
Le jour même de la manifestation, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a annoncé la mobilisation de "moyens complémentaires" correspondant exactement à la somme manquante, soit 14 millions d'euros qui seront versés "dans le courant de l'été".
Il s'agit "d'envoyer un message de confiance à la filière en garantissant le niveau d'aide prévu", explique le ministre, cité dans le communiqué ministériel. "Face à la progression exceptionnelle des surfaces en agriculture biologique en 2014, l'enveloppe d'aides mobilisée, bien qu'en augmentation de 16 millions d'euros [...] ne permettait pas de répondre à l'ensemble des demandes au niveau maximum".
Le ministère a annoncé un objectif de 180 millions d'euros d'aides annuelles au bio d'ici 2020, contre 90 en 2012.
Les inquiétudes persistent
L'annonce a été accueillie comme "la juste réparation d'une décision inappropriée", mais "restent des inquiétudes sur la pérennité de ces aides", d'où le maintien de la mobilisation, a expliqué à l'AFP Stéphanie Pageot, la présidente de la Fnab.
"On est maintenant dans une demande de garantie sur l'avenir, même si nous sommes ravis que le ministère soit revenu sur sa décision", a pour sa part estimé Angélique Piteau, porte-parole du groupement des agriculteurs bio d'Ile-de-France.
Philippe Caillaud, du Groupement des agriculteurs bio de Loire-Atlantique, premier département français en surfaces bio, avec 41.000 hectares, soit 10% de terres cultivées, note que "dans les cinq ans à venir, les régions vont gérer les fonds européens, et nous sommes convaincus que les enveloppes attribuées sont insuffisantes par rapport à nos ambitions [...] alors que demain l'agriculture majoritaire sera biologique". La Coordination agrobiologique des Pays de la Loire (CAB) réclame "la mobilisation de 230 millions d'euros dès 2015" pour réussir cet objectif.
Les producteurs rappellent aussi que les aides "servent à reconnaître les services environnementaux et sociaux de l'agriculture biologique : protection de l'eau, de l'air, des sols, de la biodiversité, ainsi que la création d'emplois", insiste la Fnab.
Côté FNSEA, le principal syndicat agricole, le président Xavier Beulin s'est dit mardi "solidaire" des producteurs bio et "vigilant" sur ce type de coupes budgétaires.
La France compte 5,5% de ses surfaces agricoles et 1,1 million d'hectares cultivés en bio. Elle a dépassé l'Allemagne et compte la troisième surface bio d'Europe, derrière l'Espagne et l'Italie.