Pourquoi la parole est-elle si difficile au sein du couple ?
S'il y a bien un domaine où se parler est essentiel, c’est dans le couple... Pourtant le manque de temps est l’ennemi numéro un de bon nombre de personnes stressées, pressées et fatiguées. Réussir à se parler nécessite de faire preuve de volonté et de créativité. Alors, retrouvons le plaisir de nous parler !
Bien souvent, pris dans le quotidien, on finit par parler davantage de ses problèmes de boulot, des factures à payer, que de soi, de l’autre, ou de la relation. Or, communiquer vraiment, c’est aussi se raconter. Evoquer ses goûts, ses envies, ses besoins… Ce qui semble être surtout et avant tout du bon sens puisque nous avons décidé de cheminer ensemble.
Il s’agit de s’accorder sur les directions à prendre, de s’en convaincre, ce qui – sans arguments – sera compliqué. Cette parole, que l’on considère comme évidente et nécessaire dans le couple, est pourtant souvent entravée par ce préjugé, encore tenace : les femmes sont bavardes, les hommes plutôt mutiques... Ce qui se vérifie, par contre, c’est comme dans un couple nous n’avons pas les mêmes besoins de discuter forcément des mêmes choses.
Se disputer est-ce communiquer ?
Est-ce que se disputer est une façon de se parler ? On peut se disputer sans rien se dire du tout. Il y a des couples pour lesquels le conflit est comme un rendez-vous familier. Une façon d’être en lien, de s’assurer que chacun joue sa partition, sans que rien ne se dise vraiment. On fait du bruit, on répète les mêmes reproches, mais on ne "dérange" rien.
Pas de remise en cause de soi, c’est toujours la faute de l’autre. La dispute alors n’a rien de salvateur. Les disputes "utiles" seront celles où, à l’occasion de ces affrontements, chacun parle en son nom, parle de ce qu’il voudrait, de sa souffrance, où l’on ne parle pas à la place de l’autre qui aurait dû faire ceci ou penser à cela.
Un couple se connaît-il toujours bien ?
L’intimité, ce nid que tisse un couple peut devenir un lieu que l’on répugne à déranger : se parler, sincèrement, c’est se révéler, au fil du temps, différent de celui ou celle qu’on était, avec des envies nouvelles, des doutes ou des confiances différents. Plus que les habitudes, dont on dit qu’elles tuent le couple, c’est plutôt le "ça va de soi" qui le menace, et qui dispense alors de se parler vraiment.
"Ça va de soi" que l’autre est ainsi fait, qu’il a telle préférence, que j’aime les fraises et qu’il devrait penser à m’en acheter, que les vacances se passent toujours en bord de mer. On peut se coincer ainsi l’un et l’autre, au point de ne plus oser parler vraiment, au risque de déranger cet ordre des choses, de décevoir ou d’inquiéter l’autre.
Le couple doit évoluer, comme nous !
On évolue mais pas forcément de façon spectaculaire, la vie nous change, et nous changeons de regard sur cette vie. Si ce n’est pas le cas, c’est plutôt inquiétant et cela dénote un état névrotique dans lequel on s’est figé. On s’arc-boute sur une idée du couple comme un lieu de permanence, de "pour toujours et à jamais".
On croit protéger notre relation en la maintenant en l’état, en ne remettant pas en cause la connaissance que nous avons l’un de l’autre : ceci en retenant une certaine parole, qui nous dévoilerait. C’est d’ailleurs ce qui effraie le conjoint, quand on fait la démarche d’aller voir un psy, auquel on va parler. Il y a l’appréhension fort répandue que cette parole mette au jour ce que l’on ne voulait pas admettre, que peut-être on ne s’aime pas pour les bonnes raisons.
La psychanalyse fait-elle divorcer ?
La psychanalyse fait divorcer ceux qui viennent pour ça, et qui jusque-là n’y arrivaient pas. Cette parole qui d’abord se libère dans le huis clos de l’analyse, qui va s’affirmer ensuite à l’extérieur, fera bouger les lignes dans le couple. Loin de mettre celui-ci en danger, celui qui ose alors parler sincèrement, qui interrogera et dérangera peut-être le fonctionnement habituel, celui-là rendra plutôt service à la relation. Il n’est pas rare que l’analyse menée par l’un fasse, par ricochet, bouger aussi l’autre.
C’est ce que peut nous apprendre une analyse, à ne plus craindre les mots – les mots de notre désir, assumé. Un désir dont on n’attendrait plus, tacitement, que l’autre le devine et le prenne en charge.