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Suicides, détresse, harcèlement : la colère des internes en médecine

Après plusieurs suicides cette année, l’InterSyndicale Nationale des Internes a organisé un rassemblement en hommage à ces internes. Les problématiques sont « structurelles », selon son président Gaétan Casanova.

Lucile Boutillier
Rédigé le , mis à jour le

« Chaque année en France, entre dix et vingt internes en médecine mettent fin à leurs jours », affirme un communiqué de l’InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI). Trois fois plus de risque de mourir par suicide que les Françaises et Français du même âge, 23% à avoir eu des idées suicidaires, et 3,8% à avoir tenté de mettre fin à leurs jours, les chiffres avancés par le syndicat sont alarmants.

Le 19 février dernier, un interne appelé Tristan s’est suicidé. Selon l’ISNI c’est le quatrième depuis le début de l’année. « Certains de ses collègues ont laissé entendre qu’il y avait des éléments relatifs aux conditions de travail », soupire Gaétan Casanova, président de l’InterSyndicale Nationale des Internes. 

Mais ce n’est pas la seule explication, le président explique que « des éléments de harcèlement » ont participé à pousser Tristan à bout. Et d’après lui, l’interne est loin de représenter un cas isolé : « C’est une problématique sur laquelle l’ISNI revient régulièrement. » Au total en 2021, 5 internes se sont donnés la mort. C'est pour leur rendre hommage que l'ISNI a organisé un rassemblement devant le ministère de la Santé le 16 avril.

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Beaucoup de facteurs de risques

Les internes travaillent 58h par semaine en moyenne, et cela peut monter jusqu’à 80 heures hebdomadaires en service de chirurgie par exemple, explique Gaétan Casanova. « Les internes sont habitués à souffrir, à la fermer. Ils ont une résilience importante, et quand ils lâchent, c’est qu’ils ont été poussés à bout. »

De plus, le président de l’ISNI se désole de l’abondance de témoignages de violences qu’il reçoit de la part d’internes. « J’ai écouté une interne qui se fait traiter de ‘salope’ par son chef, qui se fait coller aux murs et hurler dessus, qui se fait balancer du matériel chirurgical à la tronche. Aussi une interne enceinte à qui on dit ’t’es pas ici pour te faire tirer le lait, t’es là pour souffrir, et si tu souffres c’est en silence’. On reçoit des centaines de messages d’internes au bord du suicide. »

« Le système garantit l’impunité »

Selon le président de l’ISNI, les internes n’ont aucun recours pour faire part d’un supérieur malveillant. « Dans les CHU, le chef de service universitaire cumule beaucoup de rôles. S’il est malveillant ou violent, il est en même temps votre coordinateur de spécialité, votre supérieur hiérarchique et votre directeur de thèse. » C'est une mainmise complète sur l’avenir professionnel de l’interne.

Gaétan Casanova le concède, le doyen peut représenter un recours. « Mais le doyen et le chef de service se connaissent depuis vingt ou trente ans et sont amis, surtout dans des petites villes. Donc on ne peut pas aller voir le doyen. Même si on en parle à un syndicat, même anonymement, on se dit ‘il finira par deviner que c’est moi, il peut m’empêcher d’avoir un poste et se venger’. Le système garantit une quasi impunité à ces personnes. »

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Fuite de l’hôpital public

La situation crée même un manque de personnel à l’hôpital public selon le président de l’ISNI : « Selon une étude que nous avons fait faire et qui paraîtra en mars, plus de 64% des internes estiment ne pas du tout être suffisamment informés sur les possibilités d’emploi dans le privé. Pourtant seuls 23% souhaite rester dans le public. Cela prouve que la plupart fuit le public et le CHU, sans savoir où ils vont. Ils se disent ‘tout, plutôt que ça’. »

Pour Gaétan Casanova, les responsables directs sont les doyens et les chefs de service. « Je dis aux doyens ‘Vous êtes des incendiaires qui assassinez l’hôpital public, vous êtes responsables de ces drames’ », s’indigne-t-il.

Quelles solutions ?

Les procédures pour faire destituer un chef de service sont complexes. Selon le président de l’ISNI. « Ils sont indéboulonnables », regrette-t-il. « Aujourd’hui, la seule possibilité, c’est qu’un interne craque, récolte des témoignages et se batte comme un chien pour faire exploser l’affaire. Elle finit par devenir tellement retentissante qu’ils ne peuvent plus la cacher. Mais on ne peut pas fonder le système sur des actions héroïques de ce genre ! »

C’est la raison pour laquelle l’ISNI « exige » dix mesures d’urgence pour éviter de nouvelles tragédies. Le syndicat demande à ce que le cursus des internes ne soit plus validé par une seule personne. Ainsi, les chefs de service ne seraient plus les uniques interlocuteurs des étudiants. Cette mesure permettrait de limiter les rapports de pouvoir et de libérer la parole en cas de harcèlement.

De plus, l’ISNI demande l’exclusion immédiate et systématique des personnes reconnues coupables de harcèlement, la création de cellules d’écoute pour les internes, ainsi que la mise en place d’un décompte du temps de travail. 

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