HPI : Qu’est-ce que le haut potentiel intellectuel ?
Un QI élevé, mais pas seulement. Le haut potentiel intellectuel fait l’objet de nombreux clichés et préjugés. Mais alors, que signifie réellement de vivre avec ce fonctionnement neurologique ?
« On voudrait un bouton stop pour nos pensées, mais il n’existe pas ». C’est par ces mots qu'Alizé Lim, joueuse de tennis professionnelle, décrit le haut potentiel intellectuel (HPI). La jeune femme a publié le 19 mai son autobiographie, Eloge de l'inconditionnel, témoignage d'une zèbre sur le court, dans laquelle elle annonce être HPI.
Le sujet du haut potentiel intellectuel revient sur le devant de la scène grâce à la série HPI diffusée par TF1, où Audrey Fleurot incarne une femme de ménage à haut potentiel. Cette série, bien que poussée à l'extrême, montre une représentation assez réaliste du haut potentiel selon la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, spécialiste du HPI.
Ces personnes que l’on a appelées les « surdouées » se caractérisent par « une grande place accordée à l’activité mentale, le besoin de stimulation intellectuelle, la curiosité, le besoin de nouveauté, et la difficulté avec les situations répétitives », selon Emmanuelle Gilloots. Cette psychologue a suivi de nombreuses personnes à haut potentiel et écrit des articles sur le HPI dans la revue Gestalt.
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« Sauter du coq à l’âne »
Emmanuelle Gilloots définit le haut potentiel par « une très grande liberté dans les associations d’idées. Il y a vite une tendance à sauter du coq à l’âne », décrit la psychologue. Pour elle, la pensée d’une personne HPI n’est pas linéaire, elle fonctionne par analogie : « Ils ont une capacité à partir d’un point de départ et à élargir la réflexion de plus en plus, au point que parfois la personne perd le fil de sa pensée. »
D’après la psychologue, l’origine neurologique du haut potentiel demeure obscure. « Dans la toute petite enfance, des coupe-circuits se mettent en place, qui permettent de couper sa perception de l’environnement en cas d’excès de stimuli. Et il semblerait que chez les enfants HPI, ces coupe-circuits ne se mettent pas en place », explique-t-elle.
Cette absence de ‘coupe-circuit’ pourrait expliquer l’hypersensibilité des cinq sens chez les personnes HPI. « C’est encore renforcé par le fait qu’il s’intéresse à tout, l'enfant est à l’affut de ces stimuli. L’ennui constitue donc une grosse problématique en cas de sous-stimulation scolaire ou professionnelle », explique la psychologue.
Diagnostic grâce à un test de QI
On parle de haut potentiel intellectuel lorsqu'une personne obtient un résultat égal ou supérieur à 130 lors d’un test de quotient intellectuel (QI). Toutefois, ce test de quotient intellectuel n’est pas adapté a tous, avertit Emmanuelle Gilloots. « Ces tests reposent en partie sur des connaissances culturelles, alors ils amènent à sous évaluer les cas de HPI chez les enfants immigrés ou de milieux très populaires. »
Selon la psychologue, il faudrait les adapter. « Pour les tests de vocabulaire par exemple, le psychologue vous demande de trouver une définition courte ou un synonyme. Plus ou avance dans le test, plus les mots sont difficiles ou rares. Un enfant qui vit dans un milieu bourgeois a plus de chances de réussir ce test. »
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Paraître normal à tout prix
Chez les adultes, ce sont d’autres problèmes qui peuvent amener à dissimuler le HPI. Selon Emmanuelle Gilloots, cela viendrait d’un souci de l’enfant, puis de l’adulte, à passer inaperçu.
« J’ai eu un patient qui rajoutait des fautes pour ne pas se distinguer, pour ne pas avoir 19 ou 20 et se faire casser la figure dans la cour. De plus, les professeurs n’ont pas toujours de bonnes réactions face aux élèves qui ont de bonnes notes sans réviser », ajoute-t-elle.
Vivre avec le HPI
Au quotidien, le haut potentiel intellectuel implique une « hyperactivité cérébrale » et une « hypersensibilité des cinq sens », explique Alizé Lim. « C’est épuisant de ressentir tout, trop, tout le temps », ajoute-t-elle.
Souvent, ce fonctionnement se traduit par énormément de culpabilité : « Cette hyperlucidité pointe ce que j’ai mal fait », raconte Alizé Lim. « J’ai dit bonjour d’une certaine façon à cette personne et elle m’a regardée un peu différemment, est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Je me pose 50 000 questions de ce genre par jour. »
« Mieux m'adapter »
Alizé Lim a appris à huit ans qu’elle était HPI, en passant un test de QI pour l’école. « Mais pour moi, ça n’avait pas d'autre signification que des facilités à l’école », précise la joueuse de tennis. « J’ai découvert à 27 ans que tout mon fonctionnement cognitif, mon hypersensibilité et mon fonctionnement émotionnel étaient définis par ce haut potentiel. »
Comprendre que le haut potentiel influe autant sur son fonctionnement a été un choc pour elle. « J’ai beaucoup pleuré, ça a été un soulagement car ça a donné des réponses. Surtout, ça permet d’avoir la carte de mon fonctionnement et de mieux m’adapter, mieux m’auto-appréhender et moins exploser. »
Pour une joueuse de tennis, le haut potentiel peut d’abord ressembler à un atout. « Cela permet d’intégrer beaucoup d’informations d’un coup », raconte Alizé Lim. Mais très vite, l’hyperacuité de ses sens la distrait. « Cela me sortait de mon match et me faisait partir ailleurs », raconte la joueuse. Pour les mêmes raisons, beaucoup de HPI rencontrent des difficultés scolaires.
Difficultés sociales
En outre, les personnes à haut potentiel rencontrent régulièrement des difficultés sociales, selon Emmanuelle Gilloots. D’après elle, la raison en est simple : « ils sortent du moule en permanence, parce qu’ils pensent différemment et sont perçus comme radicaux. »
« Dans son entreprise, un de mes patients a eu un nouveau chef qui a créé une boîte à idées », raconte la psychologue. « Mon patient a identifié un problème et proposé des solutions. Mais le chef s’est senti remis en cause, alors que mon patient pensait juste contribuer. Ce n’était pas normal qu’un employé de base propose ce niveau d’analyse. »
Quels signes extérieurs ?
Chez les enfant HPI, l'ennui est un facteur déterminant car ils peuvent très facilement se sentir sous-stimulés. Cet ennui peut se traduire par un comportement turbulent à l'école, ou par une très grande tristesse.
Le dépistage du HPI se concentre sur les enfants turbulents, d’après Emmanuelle Gilloots. Mais il ne faut pas oublier les enfants dépressifs, précise la psychologue. « S’il n’a pas d’amis, répond de façon morne ou vague aux questions sur l’école, la question du HPI est pertinente. »
Prendre en charge un enfant HPI
Si vous découvrez un haut potentiel chez votre enfant, Jeanne Siaud-Facchin conseille de d'abord tenter de le comprendre. "Dans certaines situations, l'enfant aura des manières de réagir ou de se comporter qui paraîtront inhabituelles, mais qui sont complètement attendues avec le HPI", explique la psychologue autrice de Trop intelligent pour être heureux ?, un livre sur les adultes HPI.
Pour cette spécialiste, il n'y a pas grand-chose à faire "s'il est bien à l'école et que tout se passe bien avec ses copains et sa classe", explique-t-elle. Mais en cas de difficultés, vous pouvez aller voir ses enseignants. "Cela peut être des aménagements, des sauts de classe, ou que l’enfant participe dans certaines matières à des cours d’un autre niveau parce que sinon il s’ennuie … Des choses dont il faut discuter en collaborant avec l’enseignant", explique-t-elle.
De même, vous n'avez pas besoin de l'inscrire à de nombreuses activités sous prétexte qu'il est HPI. "Sauf s'il est demandeur : il faut aller dans son sens. Cela va l'alimenter, le nourrir, et non le fatiguer. Il faut en fait s’ajuster à ce qu’est l’enfant plutôt que de faire quelque chose de particulier", conclut-elle.
Et chez les adultes ?
En ce qui concerne les adultes HPI, ils ont tendance à s’investir successivement dans des activités qui n’ont pas forcément de lien, selon Emmanuelle Gilloots. Certains ont exercé plusieurs activités professionnelles différentes, d’autres ont de nombreux loisirs qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.
Si vous constatez ces signes chez une de vos connaissances, ou chez vous-même, passer le test de QI n’est pas indispensable immédiatement. D’après Emmanuelle Gilloots, il faut attendre d’être prêt : « Pour certaines personnes, passer les tests, c’est comme si d’un seul coup on n’avait plus droit à l’erreur et qu’on devait être à la hauteur, c’est vécu comme une nouvelle exigence », décrit la psychologue.
Une fois le test passé, il faut ensuite aider la personne à décoder son environnement, explique Jeanne Siaud-Facchin. "C'est une question d'ajustement, on fait comprendre à la personne son fonctionnement propre et celui des autres pour qu'elle puisse s'ajuster. Mais il vaut mieux éviter de s'adapter absolument, sous peine de s'épuiser."