Strychnine : ce poison devenu produit dopant
L’un des athlètes de l’équipe kirghize d’haltérophilie vient d’être disqualifié et exclu des Jeux olympiques. Il a été testé positif à la strychnine, un stimulant puissant mais aussi extrêmement toxique.
L'haltérophile Izzat Artykov, médaillé de bronze en - de 69 kg, est devenu le premier médaillé des Jeux olympiques de Rio exclu pour dopage. Cette décision, prise par le Tribunal arbitral du sport (TAS), intervient après des résultats positifs aux tests anti-dopage. L’athlète aurait consommé de la strychnine, un produit capable de stimuler le système nerveux central.
A petite dose, un puisant stimulant
La strychnine provient de la noix vomique, une petite noix plate issue du Vomiquier, un arbre originaire d’Asie du Sud. Il s’agit d’une substance dite neurotoxique, c’est à dire qu’elle perturbe le fonctionnement du système nerveux. Une fois ingérée, la strychnine se fixe sur les synapses. Ces dernières ont pour rôle d’assurer la transmission du message nerveux et donc la connexion entre les neurones.
A faible dose, la strychnine se contente d’accélérer le passage du message nerveux. L’information entre le cerveau et les muscles est plus rapidement transmise ce qui entraine une augmentation des réflexes et du tonus musculaire.
A moyenne dose, la strychnine accroit également l’amplitude respiratoire. Les sportifs sont alors capables de prendre de plus grandes inspirations. Un avantage non négligeable, notamment en haltérophilie ou le souffle est crucial. Outre ces vertus dopantes, la strychnine a aussi la capacité de décupler les perceptions sensorielles comme le goût, l’odorat ou la vue.
A haute dose, un poison mortel
Si la strychnine est considérée comme un produit dopant, elle n’en demeure pas moins hautement toxique. Consommée à haute dose (environ 0,2mg/kg), c’est un poison mortel pour le corps humain. Elle détraque le système nerveux en empêchant la transmission des informations envoyées aux muscles par le cerveau. Une surdose de strychnine entraine d’intenses douleurs musculaires immédiatement suivies par une asphyxie et de violentes convulsions. La mort intervient en général 30 à 40 minutes après ingestion de la substance.
Autorisée jusqu’en 2000 comme produit phytosanitaire pour empoisonner les rongeurs et les taupes, la strychnine est aujourd’hui interdite en France et en Europe. Elle serait néanmoins à l’origine de nombreux faits divers sordides dans les années 1800-1900. L’affaire la plus célèbre étant celle de « l’empoisonneur de Lambeth », un tueur en série anglais pendu pour avoir assassiné quatre prostitués avec de la strychnine en 1892.
La strychnine et les Jeux olympiques : une histoire qui dure
L'haltérophile kirghize Izzat Artykov n’est pas le premier athlète à avoir eu recours à la strychnine pour améliorer ses performances aux Jeux olympiques. Déjà en 1904, l’américain Thomas Hicks remportait l’épreuve du marathon grâce à la fameuse substance. A l’arrivée, il sera pris de violentes convulsions et restera plusieurs minutes entre la vie et la mort.
Quatre ans plus tard, dans la même épreuve, c’est au tour de l’athlète italien Dorando Pietri de s’effondrer. Alors qu’il mène la course, il chute cinq fois d’affilée. Il sera relevé par les officiels qui lui feront franchir la ligne d’arrivée avant de le disqualifier pour "aide extérieure". Depuis 1990, seuls deux sportifs (dont Izzat Artykov) ont été contrôlés positifs à la strychnine. Il faut dire que la substance est facilement décelable dans les urines et échappe donc rarement aux tests anti-dopage modernes.