JO 2016 : qu'est-ce que le KO en boxe ?
Sur le ring de boxe, le spectaculaire KO est loin d'être anodin pour le sportif. Même sans perte de connaissance, des complications préoccupantes à court et à long terme peuvent apparaître.
"Vainqueur par KO". Sur le ring, le battu a perdu connaissance et ne peut plus continuer le combat. Le boxeur qui a gagné le match par KO ("Knock-Out", en anglais) force l'admiration des spectateurs. Du grand spectacle. Le cerveau du perdant, lui, souffre.
"Un KO est une commotion cérébrale", explique le Pr Jean-François Chermann, neurologue, spécialiste en France des commotions chez les sportifs, et responsable de la consultation "Commotion cérébrale et sport " à l’hôpital Léopold-Bellan de Paris.
Une commotion cérébrale ne se caractérise pas forcément par une altération de la conscience. C'est même rarement le cas. "Dans 90 % des cas, le commotionné ne perd pas connaissance", précise le neurologue. La commotion cérébrale n'est pas non plus un simple coup sur la tête. "C'est un traumatisme crânien léger qui se manifeste par une altération immédiate et transitoire des fonctions neurologiques."
Le cerveau est entouré par des tissus que l'on appelle les méninges. L'ensemble baigne dans un liquide, protégé par la boîte crânienne. Sous l'effet du choc infligé par l'adversaire, le cerveau, un peu comme se conduirait un passagé attaché dans une voiture accidentée, cogne contre la boîte crânienne. Les différentes composantes de l'encéphale, de masses différentes, ne vont pas bouger à la même vitesse, ce qui soumet le cereveau à des forces de cisaillement. "Le boxeur touché peut alors avoir des troubles de la conscience, de la vision, ou encore de la mémoire ou de l’équilibre", détaille le Pr Chermann.
De symptômes présents de 15 minutes à toute la vie
Les commotions cérébrales ne laissent pas de lésions visibles à l'imagerie. Pourtant, le cerveau a du mal à "se remettre". Un syndrome post-commotionnel, de durée variable, fait suite au choc. "Les boxeurs, même ceux qui n'ont pas subi de KO et qui ont juste été « sonnés », vont avoir des symptômes par la suite. Le plus souvent des maux de tête ou de la fatigue. Ils peuvent persister de 15 minutes à toute une vie".
Les signes disparaissent, dans 80% des cas, en moins d'une semaine. Quoi qu'il en soit, les commotions exigent une prise en charge adaptée par un neurologue ou un neurochirurgien formé. "Après ce type d’atteinte, c'est au moins un mois sans boxe, et 48 h de repos physique et psychologique", indique le Pr Chermann.
Un choc peut aussi provoquer ce que les médecins appellent des sub-commotions, moins graves. Le sportif ressent sur le coup une défaillance neurologique, mais aucun signe clinique ne persiste. "On ne connaît pas le caractère de gravité à long terme de ce type d’évènements", admet le neurologue.
Encéphalopathie chronique post-traumatique
Il est néanmoins clair pour le corps médical que des commotions répétées peuvent être responsables, à long terme, de la survenue de complications neurologiques. Des études ont déjà mis en évidence le risque accru de développer une dépression dans les années qui suivent. Le risque de suicide des commotionnés serait triplé par rapport au reste de la population. Et pas seulement. "Une dégénérescence neurologique, qu’on appelle une encéphalopathie chronique post-traumatique, peut apparaitre. Les anciens sportifs présentent des troubles du comportement, de l'humeur, un syndrome parkinsonien. Il ne s’agit pas pour autant de la maladie d’Alzheimer, ni de celle de Parkinson", explique le spécialiste.
On sait désormais que le cerveau des malades, d'aspect normal à l'œil nu, présente en fait des anomalies microbiologiques. "Dans l’encéphalopathie chronique post-traumatique, une protéine, la protéine tau, se dispose de manière anormal dans les tissus cérébraux." Impossible, cependant, de dire pour les médecins à partir de quel seuil de commotions, le risque apparaît.
Les symptômes et séquelles sont très liés à la susceptibilité individuelle. En clair, nous ne somme pas tous égaux face aux coups de poing. Et notre cerveau non plus. "Il est clair que les boxeurs professionnels ont une grande intelligence spatiale et évitent très bien les coups, et que leur cerveau a une capacité hors du commun à accepter les chocs", ajoute le Pr Chermann. N'est définitivement pas Mike Tyson qui veut.
Crédit photo : Adrıen via Visual hunt / CC BY-NC-SA