Vivre en altitude : du dopage ?
La question fait débat … En "boostant" la fabrication de globules rouges, la vie en altitude favoriserait-elle les performances sportives ? Une sorte de triche naturelle, qui doperait les sportifs vivant à plus de 2.000 mètres au dessus du niveau de la mer. Pour répondre à cet épineux problème, une expérimentation est lancée au sommet des Alpes sur un groupe de skieurs.
Avant chaque compétition sportive importante, l'équipe de France de football passe par Tignes. Une station nichée à plus de 2.000 mètres d'altitude, qui amélioreraient sensiblement les performances des bleus. Si les liens entre altitude et sport sont débattus depuis des décennies, la question reste pourtant floue. En dopant la fabrication de globules rouges, la vie en altitude peut-elle avoir un effet similaire à l'EPO ? C'est la question à laquelle tente de répondre une expérience grandeur nature menée cet été sur le Mont-Blanc.
A 2.200 mètres d'altitude, dans le douillet refuge du Plan de l'Aiguille à Chamonix, s'entrainent jusqu'au mois d'août 11 skieurs norvégiens. A cette hauteur, la quantité d'oxygène est réduite de 20% environ par rapport au niveau de la mer. "Mon pouls est beaucoup plus élevé et je sens que j'ai le souffle court" confie Eirik Sømen à l'AFP, 18 ans, un des participants à l'étude. Au terme de cet entrainement, les sportifs passeront une batterie de tests, visant à établir leurs performances sportives et leurs conditions physiologiques.
Un effet similaire à l'EPO ?
Le projet de Chamonix est une expérience de plus, cherchant à vérifier que les performances en endurance sont augmentées quand on vit en altitude par rapport à quand on s'entraîne en plaine. Car depuis 1968 et les Jeux Olympiques de Mexico, la question passionne les atlhètes... Ces JO, perchés à 2.250 mètres, avaient été marqués par des contre-performances dans les épreuves d'endurance parallèlement à des records du monde sur le sprint et le saut en longueur. Depuis, l'influence de l'altitude sur les performances sportives "est un sujet très débattu: il y a une littérature un petit peu confuse sur le sujet et des études pas toujours très bien contrôlées" relate Paul Robach, professeur et chercheur à l'école nationale de ski et d'alpinisme (ENSA) à Chamonix.
En altitude, le manque d'oxygène est pallié par une augmentation de la production de globules rouges. Et ce taux de globule rouge peut avoir des conséquences bénéfiques pour les sportifs, comme l'amélioration des phases de repos et des performances courtes et intenses, en boostant la puissance musculaire et le transport de l'oxygène. L'altitude favoriserait ainsi la formation d'EPO, hormone bien connue des sportifs dopés. Après une semaine à plus de 2.500 mètres, le taux d'hémoglobine augmente en moyenne d'1%. Une concentration qui peut croitre pendant une dizaine de semaines plus tard.
Cependant, au vu des nombreuses études sur le sujet, toutes contrastées, ces augmentations ne seraient pas les mêmes pour tous. Ainsi, pour certains les performances pourraient être améliorées par l'altitude et pour d'autres non. Jusqu'alors aucune méta-analyse n'a clairement pu trancher sur le sujet. Pour s'assurer de la validité scientifique des résultats, un "groupe contrôle" de neuf sportifs vivant dans la vallée est ainsi soumis au même entraînement et aux mêmes tests médicaux que les athlètes dormant au refuge. Reste à savoir si les performances des deux groupes se révèleront très différentes à l'issue de leur séjour. La question est primordiale car "l'entraînement en altitude est une alternative au dopage: cela intéresse donc beaucoup d'athlètes" souligne Paul Robach.
Une influence à relativiser
A l'inverse, trop d'altitude bloquerait ces supposés effets positifs. Au delà de 5.000 mètres, les muscles souffrirait intensément du manque d'oxygène, pouvant même s'atrophier… D'autant plus que l'altitude peut déshydrater et provoquer de grandes fatigues.
Depuis les années 2000, les séjours en caissons hypoxiques se sont généralisés auprès des sportifs de haut niveau. Ces chambres reproduisent les conditions oxygéniques de la haute montagne. Si elles sont autorisées et exclues de la liste des dopants, elles n'ont jamais montré d'efficacité réelle sur les performances sportives. De ses propres aveux, l'un des chercheurs participant à l'expérience de Chamonix souligne : "Je serais très surpris que nous trouvions une influence importante (de la vie en altitude, ndlr) mais nous verrons bien."
Vivre en altitude, un handicap pour certains sportifs
Nairo Quitana, célèbre outsider du Tour de France 2015, s'est entrainé pendant des années dans son pays natal, la Colombie, à plus de 3.000 mètres d'altitudes. Résultat : des performances impressionnantes mais un coup de pédale moins rapide que ses adversaires. Ce manque de vélocité pourrait être dû aux conditions dans lesquelles il s'entraine. En haute montagne, ses efforts sont intenses et demandent plus d'énergie. Il n'aurait donc pas pris l'habitude de pédaler rapidement. Cette conséquence de l'altitude se remarquerait également chez les coureurs Ethiopiens ou Kényans, aux foulées plus lentes.