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Chlordécone : la justice reconnait un "scandale sanitaire" mais prononce un non-lieu

Deux juges d'instruction parisiennes ont prononcé le 2 janvier un non-lieu dans l'enquête au long cours sur l'empoisonnement des Antilles au chlordécone, pesticide autorisé dans les bananeraies jusqu'en 1993.

Muriel Kaiser avec AFP
Rédigé le
Le chlordécone a été utilisé pour lutter contre le charançon jusqu'en 1993 en Martinique et Guadeloupe  —  Shutterstock

Cette fois, la décision est définitive. Selon une source judiciaire, deux juges d'instruction parisiennes ont prononcé un non-lieu dans l'affaire du chlordécone. Cette décision à haute valeur symbolique, qui était également demandée par le parquet de Paris dans ses réquisitions fin novembre, et était redoutée par des élus et habitants de Martinique et de Guadeloupe, qui ont régulièrement dénoncé un risque de "déni de justice". 

Selon des éléments de l'ordonnance de non-lieu dont l'AFP a eu connaissance, les deux magistrates instructrices reconnaissent bien un "scandale sanitaire", sous la forme d'"une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants" de Martinique et de Guadeloupe. 

Une infraction pénale "impossible à caractériser"

En revanche, face aux difficultés de "rapporter la preuve pénale des faits dénoncés", "commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes", elles ont décidé de prononcer un non-lieu. Les magistrates soulignent également "l'état des connaissances techniques ou scientifiques" au moment où les faits ont été commis : "le faisceau d'arguments scientifiques" au début des années 1990 "ne permettait pas de dire que le lien de causalité certain exigé par le droit pénal" entre la substance en cause d'un côté et l'impact sur la santé de l'autre, "était établi". 

Avançant également divers obstacles liés au droit, à son interprétation et son évolution depuis l'époque d'utilisation du chlordécone, les magistrates attestent de leur "souci" d'obtenir une "vérité judiciaire", qui a toutefois abouti à une impossibilité à "caractériser une infraction pénale". 

À lire aussi : Chlordécone : des manifestations dénoncent le risque de "déni de justice"

Les victimes vont faire appel

Dans ses réquisitions de non-lieu, le parquet de Paris avait lui estimé que les faits étaient prescrits - s'agissant notamment de l'empoisonnement - ou non caractérisés, de l'administration de substances nuisibles, ce qui empêche toute poursuite. 

"Nous allons faire appel de cette ordonnance", a déclaré Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre, la capitale de la Guadeloupe, et avocat historique des victimes du chlordécone. Jeudi 5 janvier, il a annoncé sur franceinfo : "si la Cour d'appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu'à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue".

Une affaire au long cours

Utilisé dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, le chlordécone a été autorisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu'en 1993, sous dérogation, quand le reste du territoire français en avait interdit l'usage. Il a provoqué une pollution importante et durable des deux îles et est soupçonné d'avoir provoqué une vague de cancers. Il n'a été banni des Antilles que 15 ans après les alertes de l'Organisation mondiale de la santé. 

Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte des deux îles est contaminée par ce pesticide. En 2006, plusieurs associations martiniquaises et guadeloupéennes avaient déposé plainte pour empoisonnement, mise en danger de la vie d'autrui et administration de substance nuisible. Une information judiciaire avait alors été ouverte au tribunal judiciaire de Paris en 2008. 

Carton rouge pour Emmanuel Macron sur le chlordécone  —  Le Mag de la Santé - France 5

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