De l'Ukraine à la France : la prise en charge des enfants réfugiés atteints de cancer
Le 21 mars dernier, la France a accueilli une vingtaine d’enfants ukrainiens souffrant d'un cancer. Ils sont actuellement pris en charge dans différents hôpitaux de la région parisienne et de province.
L’institut Curie fait partie des centres de cancérologie pédiatriques qui ont répondu présent. Depuis une dizaine de jours, une jeune patiente est prise en charge dans l’établissement parisien. Un autre enfant devrait arriver prochainement.
Un premier contact avec les médecins ukrainiens
Dès le début de la guerre, des cancérologues de l’Institut Curie ont été "sollicités directement par des collègues ukrainiens qui faisaient part de la situation", explique le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’institut Curie.
Si nous avons pu "évaluer les besoins et voir ce qui pouvait être mis en place", nous ne pouvions "pas être dans des réponses immédiates" pour accueillir des patients par "manque de moyens d’actions possibles à l’échelle d’un hôpital", explique-t-il.
Mais rapidement, la Fondation Curie envoie des médicaments et du matériel médical en Pologne, pays limitrophe de l'Ukraine. "Une somme de 50 000 euros" a ainsi été "engagée pour les dons de médicaments qui serviront pour la prise en charge des patients ukrainiens atteints de cancer", détaillait l’Institut le 4 mars dernier dans un communiqué.
"Un énorme travail en amont"
C’est un "énorme travail de coordination en amont", qui s’est enclenché environ une dizaine de jours après le début de la guerre, relève le Dr Aerts, oncopédiatre.
Dès la mi-mars, les 27 pays de l'Union européenne réservent "10.000 lits d’hôpitaux" pour les Ukrainiens en attente de soins et les malades atteints d'un cancer. Grâce au soutien de la communauté internationale de cancérologie, et des différents Etats membres, l’accueil des enfants atteints d'un cancer a pu être organisé de manière efficace.
Au niveau local, chaque structure hospitalière a fait part de ses possibilités d’accueil, explique le Dr Aerts. "A Curie, un quota initial de trois enfants a été mis en place mais cela évoluera en fonction du nombre d’enfants qui aura besoin d’être suivi ". Cette répartition permet d’avoir "la meilleure prise en charge possible et qu' il n’y ait pas de retard de traitement", souligne l'oncopédiatre.
Des enfants "avec un immense traumatisme"
Apres avoir atterri le 21 mars dernier à Orly, les enfants malades ont été acheminés vers des hôpitaux partout en France.
Toute l’équipe s’est mobilisée pour "accueillir au mieux ces enfants dont on imagine l’immense traumatisme" rapporte le Dr Isabelle Aerts.
"Les échanges peuvent être compliqués à cause de la barrière des langues, mais on s’en accommode", expliquent les médecins, qui s’appuient sur l’aide de traducteurs russes et ukrainiens. Dans tous les cas, "il reste beaucoup de choses que personne n’arrive à maitriser, et de toute façon on est obligé de composer avec", complète le Dr Aerts.
La continuité des soins, une des priorités
Pour l’instant, sur le plan logistique, "les choses sont bien organisées", rapporte le Pr Le Gouill.
Idéalement, il faudrait avoir à chaque fois "un dossier médical traduit, à jour, complet, et qu’on puisse avoir un contact avec un médecin qui a pris en charge le patient", ajoute le médecin.
Par chance, tous ces critères étaient réunis pour la première jeune patiente prise en charge dans le service de cancérologie : "Dans le cadre de la prise en charge médicale, il n’y a pas eu de problème. (…) Nous sommes dans la continuité des soins et les choses se passent très bien", se réjouit ainsi le cancérologue.
Les enfants ne sont en effet pas les seuls à être pris en charge dans l’établissement. "Au total nous traitons une douzaine d’adultes ukrainiens réfugiés. Certains sont venus spontanément pour être pris en charge, d’autres avaient déjà été traités auparavant à l’Institut Curie. Et ce sont essentiellement des femmes, qui ont pu fuir leur pays", détaille le Pr Gouill.
Et après ?
Le 23 mars, la Société Française de Lutte contre les Cancers et Leucémies de l'Enfant et de l’Adolescent notait dans un communiqué : "le nombre de nouveaux diagnostics (NDLR : de cancer pédiatrique) est de l’ordre de 1200-1300 par an en Ukraine… soit une file active de l’ordre de 2000-2500 patients. Seul quelques centaines ont pour le moment passé la frontière".
Comment les médecins imaginent-ils l’avenir alors que le conflit se pérennise ? En France, "il pourrait y avoir plus d’enfants malades de cancer à accueillir, car c’est au fur et à mesure qu’on découvre les choses", admet le Pr Le Gouill. Mais "d’un point de vue organisationnel, nous ne sommes pas inquiets, en ce qui concerne les enfants", complète-t-il. Sur notre territoire, "nous pouvons accueillir 20, 30, 50 jeunes patients avec des cancers, nous en avons les capacités".
Pour les patients adultes, par contre, la problématique sera différente, alerte le cancérologue, car le "volume de patients à traiter est plus important ".
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