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Ginette Kolinka, rescapée des camps d'Auschwitz, témoigne

À l'occasion de la commémoration du 8 mai, nous sommes allés à la rencontre de Ginette Kolinka, 98 ans. Entretien avec l’une des dernières rescapées des camps de la mort d'Auschwitz-Birkenau.

Karine Nakache
Rédigé le

"Cette photo, c'était quand je suis rentrée de déportation, deux mois après. Je n'ai pas encore de cheveux alors je cache mon crâne rasé avec un turban".

À 19 ans, le 13 mars 1944, vous êtes arrêtée par la Gestapo. Est-ce que vous comprenez ce qui vous arrive à ce moment-là ?

"Je sais que c'était la chasse aux Juifs, on était arrêtés, on allait dans un camp de travail, on ne savait pas du tout ce qui allait nous arriver. On vous met nue, on vous rase, mais dire qu’on réalise, non. On ne réalise rien du tout. On était des robots, un robot n'est pas un être humain, il fait ce qu’on lui dit, c’était ça".

"Il y en a plein qui n'ont pas tenu le coup et puis il y a ceux qui, comme moi, ont eu de la chance. On me met sur la tête des qualités que je n'ai pas. Non, je n'ai pas eu de volonté, non, je n'ai pas été courageuse, mais j’ai eu de la chance".

Vous avez rencontré Simone Veil dans le camp d’extermination d'Auschwitz-Birkenau. Un jour, Simone Veil vous a offert une robe et vous dites que cette robe vous a sauvé la vie. 

"Oui, j’estime qu’elle m’a sauvé la vie. J’avais déjà plus le moral. J’avais envoyé mon père et mon frère monter sur les camions alors que j’ai appris que quand ils étaient sur les camions, c’était pour mourir. J'étais démoralisée et puis Simone me donne cette robe et bien, ça m’a fait comme un coup de vitamines".

Lorsque vous revenez des camps en 1945, vous pesez 26 kg, vous êtes malade du typhus. Comment on retourne à une vie normale à partir de ce moment-là ?

"Je pense que si j’ai tout de suite été dans la vie courante, c’est parce que justement, j’ai eu la chance de retrouver et l’appartement que nous habitions et mes soeurs et ma mère. Tout était prêt pour moi. C'est pour cela que je dis que j'ai eu de la chance".

À qui vous racontez votre histoire, aujourd’hui ?

"À des élèves, à des adultes, à ceux qui veulent l’entendre. Six millions de victimes innocentes tuées simplement parce qu'elles étaient nées juives. C'est ça qui est terrible, c'est ça qu'il faut rappeler aux gens.
Sur une classe de 40/50 élèves, il y en aura bien au moins une dizaine qui s'en rappelleront. Ces 10 vont en parler à leurs enfants, à leurs petits-enfants et puis ça fera des graines".

"Je prends des bains de jeunesse chaque fois que je vais dans un établissement, c’est un but, ça m'oblige à faire quelque chose. Égoïstement, c’est à moi que ça fait du bien et je vis le présent et le présent, merci, il est super. Vous avez une famille autour de vous qui est agréable, qui est heureuse, rien que ça, je suis heureuse. Il n'y a pas de raison que je fasse la gueule. Maintenant que j'ai des dents que j'ai payées cher, si je ne les montre pas... J'aime bien dire ça".

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