Choisir le sexe de son enfant ? Impossible ! On vous explique pourquoi
Une nouvelle méthode revendiquée fiable à 90% propose un régime personnalisé pour choisir le sexe de son enfant. En réalité, il s’agit d’une méthode ancienne et décriée par les spécialistes.
Avec ”le coaching personnalisé pour la préconception de la méthode My Bubelly”, terminé le suspense de l'échographie du cinquième mois, puisque vous aurez choisi le sexe de votre enfant ! Apparemment, cette méthode est simple : des indications de régime alimentaire et un coaching personnalisé... le tout pour 149€ par mois. Grâce à une application, vous avez accès à des conseils, des articles, des suivis nutritionnels, et vous recevez en parallèle une box contenant des compléments alimentaires, des tests d’ovulation et de pH. Ensuite, le procédé pour ”ne plus laisser faire le hasard”, se déroule en deux temps : d’abord, un régime nutritionnel d’environ trois mois, puis une surveillance du cycle ovarien.
L’équipe de My Bubelly est constituée de professionnels de santé aux profils variés : gynécologues, sexologue, endocrinologue, nutrionniste mais aussi psychologue et naturopathe. Ces derniers jours, beaucoup d’articles sur le sujet sont parus dans la presse ; mais dans le milieu médical, cette technique non prouvée scientifiquement fait polémique.
Une technique qui repose sur l’acidité vaginale et le cycle d’ovulation
Si l’on souhaite avoir une fille, la méthode préconise de suivre un régime favorisant l’acidité du vagin. Car My Bubelly repose sur des différences présumées entre les spermatozoïdes : des mâles plus rapides, et des femelles plus résistants. Les spermatozoïdes femelles supporteraient donc mieux l’acidité que les mâles. La box de la ”méthode fille” contient ainsi des compléments alimentaires précis. Le site explique que lorsque le vagin est ”plus acide, [il] favorise le passage des spermatozoïdes X (fille). Lorsqu’ [il] est plus alcalin, [il] favorise le passage des spermatozoïdes Y (garçon)”. Il faut ensuite avoir des rapports quelques jours avant l’ovulation, puisque les spermatozoïdes femelles sont moins rapides et plus résistants. A l’inverse, si l’on souhaite avoir un garçon, les compléments alimentaires sont différents et les plats salés conseillés. Un rapport plus proche du jour de l’ovulation serait ensuite plus avantageux.
Des méthodes de grand-mères … et du ”pipeau” pour les spécialistes
Après son premier enfant, Sandra Ifrah, créatrice de la société, souhaitait avoir un garçon. ”Sur Internet, je voyais plein de choses dangereuses à ce sujet. Donc j’ai consulté, et les médecins que j’ai vus m’ont parlé de recettes de grands-mères. Ils m’ont apporté un vrai accompagnement” , explique-t-elle. Sandra accouchera bien d’un garçon. ”J’ai partagé [cette méthode] avec des membres de ma famille, des amis. Et je suis arrivée à un résultat de 39 femmes sur 40 satisfaites du sexe de leur enfant.” Elle décide alors de proposer un vrai accompagnement en préconception, avec les professionnels qui l’avaient suivie. Car selon elle, à cette étape, ”On se pose énormément de questions, et comme on n’est pas encore enceinte, il n’y a personne pour nous répondre, alors on se sent terriblement seuls. Nous proposons un suivi sur mesure, et une actualisation de ces recettes de grand-mères aux femmes d’aujourd’hui”.
Mais cette méthode n'a rien de révolutionnaire ! Elle était déjà utilisée dans les années 1970. Sauf qu'aucun scientifique ne l'a jamais validée. C’est le biologiste américain Landrum Shettles, auteur de How to choose the sexe of your baby, qui postule dans les années 60 que les spermatozoïdes Y (mâles) sont rapides, et les X (femelles) résistants. Mais en 1995, une étude parue dans le New England Journal of Medicine indique que le moment de la conception n’a pas d’influence sur le sexe de l’embryon. Suivre le cycle d’ovulation pour déterminer le sexe ne serait donc pas une méthode fiable. En 2001, l'American Society of Andrology s’intéresse elle aussi aux différences entre les spermatozoïdes. Elle met en évidence qu’il n’existe pas de différences morphologiques entre les chromosomes mâles et femelles. ”Les spermatozoïdes mâles et femelles ne sont pas exactement similaires, mais on ne sait pas les identifier à l’œil nu aujourd’hui, il faut une analyse génétique”, explique Michaël Grynberg, chef du service de médecine de la reproduction à l'Hôpital Antoine Béclère de Clamart.
A l’hôpital parisien Cochin, à la fin des années 1970, le Docteur Papa teste sur 300 femmes volontaires un régime censé déterminer le sexe de leur enfant. Résultat : plus de 80% des femmes qui vont au bout du test obtiennent un enfant du sexe désiré. Mais aucune preuve ne montre que ce pourcentage est forcément lié au régime, ni que l’acidité vaginale a un réel effet sur la sélection des spermatozoïdes. ”Les conditions du vagin sont liées à l’alimentation. Mais c’est un raccourci d’aller de l’acidité à la sélection du spermatozoïde”, ajoute le gynécologue qui considère la méthode comme ”du pipeau. […] Je ne peux pas croire que l’on garantisse cela à 90%. sur la base d'une telle faiblesse scientifique.” Beaucoup de méthodes ont déjà été popularisées pour orienter le sexe de l’enfant. Bien avant le régime du Docteur Papa, certains assuraient que pincer tel ou tel testicule avait une influence, alors que d’autres affirmaient que la position sexuelle était déterminante. Mais comme le rappelle le professeur Grynberg, ”Il n’y a pas de méthodes naturelles fiables aujourd’hui pour prévoir le sexe d’un enfant.”
Un coaching personnalisé, pour plus de 100€ par mois !
”Notre méthode est naturelle, et même s’il n’y a pas eu d’étude scientifique, nous atteignons des proportions importantes de réussite : environ 9 femmes sur 10 sont satisfaites”. Si aucun résultat n’a été démontré, la méthode se base donc sur ses propres résultats, et justifie ses 90% de réussite par le croisement des deux techniques, mais surtout par le coaching. ”Le Docteur Papa n’allait pas jusqu’à la phase 2 de suivi du cycle, et appliquait la méthode de manière contraignante. Nous, nous proposons un coaching, donc les femmes vont jusqu’au bout”, précise Sandra Ifrah.
”Le coaching en préconception, une solution naturelle pour améliorer sa fertilité ” : c’est aussi par ce coaching que le prix est justifié. La cliente reçoit des boxs, contenant compléments alimentaires, et tests de pH et d’ovulation. Mais elle a aussi accès à un forum, un chat, des vidéos, des articles, et aux conseils des professionnels. ”Aucun de nos professionnels ne pourraient faire ce que nous faisons à lui tout seul”, assure Sandra Ifrah. L’avantage serait d’avoir des conseils à la fois de nutritionnistes, psychologues, naturopathes … Des ”sexastuces” sont même proposées.
La méthode ne permet pas d'avoir une consultation médicale, et les professionnels de l’équipe ne sont pour la majorité pas des médecins. Il s’agit principalement de conseils et d’un suivi personnel virtuel. Mais rien n’assure la fiabilité du dispositif, qui n'est pas médical. La créatrice de My Bubelly l’assure elle-même : l’important, dans My Bubelly, est le coaching, la méthode ne faisant qu’actualiser des pratiques ”pour les femmes d’aujourd’hui”.
Une seule méthode efficace à presque 100%, et interdite en France
Seules certaines manipulations, qui ne sont pas autorisées en France, permettent de choisir le sexe de l’enfant. Aux États-Unis, le tri de spermatozoïdes selon leur génotype X ou Y fonctionne à 90%. Lors de la fécondation in vitro, le choix du sexe avec un diagnostic pré-implantatoire présente une certitude de presque 100%. En France, il est interdit, mise à part lorsqu’il a une visée médicale.
Pour Michaël Grynberg, ”s’il y avait une méthode naturelle miracle, ça se saurait. On l’utiliserait alors pour éviter de transmettre des maladies génétiques liées au sexe”. Le médecin insiste également sur le fait que ce choix, rendu possible, créerait des problématiques importantes. ”Si on pouvait arriver à choisir le sexe du foetus sans passer par la lourdeur d'une FIV avec diagnostic pré-implantatoire, cela pourrait, dans des cas particuliers, avec une indication médicale, utilisée à bon escient, s'avérer utile. Mais si chacun peut choisir le sexe de l’enfant, on risque, dans certaines cultures, comme en Chine, d’avoir davantage de demandes masculines. En extrapolant, on risque de se retrouver avec une démographie modifiée. ”
Finalement, avec cette méthode, la créatrice a choisi de lancer une nouvelle branche du coaching médical payant, celui de la période "préconceptionnelle". Le gynécologue Israël Nisand, Président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), n'hésite pas à qualifier My Bubelly de ”charlatanisme”. Alors à vous de choisir si vous souhaitez payer pour un coaching dont l'objectif affiché n'a jamais été prouvé scientifiquement.