Ne mettez pas vos bébés devant les écrans !
Les professionnels de la santé sont unanimes : avant trois ans, un bébé doit agir avec le monde réel, pas avec le virtuel.
La tentation est grande, pour des parents débordés, de transformer la télévision et la tablette en baby-sitter. Depuis des années, les spécialistes de la petite enfance tirent à l’unisson la sonnette d’alarme mais la mise en pratique de cette interdiction est plus problématique au sein des foyers. Cette question s'est invitée dans les débats lors du Mipjunior, marché mondial des programmes pour enfants organisé ce week-end à Cannes.
Fin 2016, aux États-Unis, l'Association américaine des pédiatres (APA) a conseillé officiellement d'interdire les écrans avant l'âge d'un an et demi. En mai dernier, leurs homologues Français se sont fendus d’une tribune dans le quotidien le Monde, pour dénoncer le réel danger des télés, tablettes et smartphones sur le développement des jeunes enfants.
Le gendarme français de l'audiovisuel, le CSA, a décidé dès 2008 d'interdire les programmes télé destinés aux moins de trois ans, lorsque des chaînes anglo-saxonnes dédiées aux bébés ont cherché à s'installer en France. "Nous avons réuni des professionnels de santé qui ont tous dit que ça n'avait pas de sens : de zéro à trois ans, un bébé doit interagir avec le monde qui l'entoure, ses jouets, ses parents et ses frères ou soeurs, et pas être passif", explique à l'AFP Carole Bienaimé-Besse, membre du collège du CSA, pour qui il s'agit d'"un problème de santé publique".
Le juteux marché des yeux de vos enfants
Interdire les écrans, "personnellement, je pense que c'est très bien", estime de son côté Christophe Erbes, consultant en médias fort d'une longue expérience en Europe dans la télé et les programmes jeunesse, et également auteur de livres pour enfants.
Mais les producteurs de contenus n’ont pas grand chose à faire des recommandations sanitaires. "Toute une partie du business [audiovisuel] est orientée vers les enfants de 0 à 3 ans, notamment une chaîne israélienne (BabyTV, rachetée par le groupe américain Fox et distribuée aujourd'hui dans une centaine de pays, NDLR), des applications...", poursuit Christophe Erbes.
Hélas, selon lui, "en France, contrairement à l'Allemagne, l'Angleterre ou la Scandinavie, les politiques ne s'intéressent pas vraiment à l'univers culturel des enfants et leur relation avec les médias".
Le gouvernement français a néanmoins fait de l'éducation culturelle, y compris aux médias, une priorité, "de la maternelle au lycée", comme l'a rappelé cette semaine la ministre de la Culture Françoise Nyssen.
Pour en savoir plus : Les enfants face aux écrans : quels risques ? – article du 19 décembre 2012
L’omniprésence des écrans
Certains professionnels du secteur audiovisuel doutent cependant de l'efficacité des appels à interdire totalement les écrans, vu leur omniprésence, et plaident plutôt pour un usage "modéré". "C'est admirable, mais c'est probablement irréaliste. Aujourd'hui, le numérique est partout", estime Alice Webb, directrice des programmes pour enfants à la BBC, interrogée à l’occasion du Mipjunior – marché mondial des programmes pour enfants organisé ce week-end à Cannes.
Elle défend un "régime équilibré", dans lequel les enfants visionnent "avec modération" des programmes spécifiques.
Sur la chaîne pour "les 6 ans et moins" du groupe public britannique, Cbeebies, "nous faisons des programmes pour les enfants à partir de deux ans, mais nous savons que des enfants encore plus petits les regardent, donc nous devons le prendre en compte lorsque nous concevons nos émissions", dit-elle.
Pour en savoir plus : Combien de temps les écrans volent-ils aux nuits des enfants ? – article du 5 janvier 2015
Les réseaux sociaux théoriquement interdits au moins de 13 ans
Autre débat brûlant, l'usage d'internet et des réseaux sociaux, théoriquement interdits aux moins de 13 ans, ce qui n'empêche pas des enfants, parfois très jeunes, d'y accéder. "C'est impossible de se dire qu'on peut contrôler tout ce qui est en ligne, c'est comme une vague qu'on n'arrivera jamais à surmonter", estime Alice Webb.
La BBC cherche selon elle à "aider les enfants à distinguer ce qu'ils devraient regarder ou pas, à réagir lorsqu'ils voient des contenus qu'ils ne voulaient pas voir, et à développer leur sens critique pour comprendre ce qui est réel ou pas".
Le CSA, lui, voudrait réguler les contenus numériques. Ce qui nécessite de réformer la réglementation audiovisuelle en France.
Pour en savoir plus : L'enfant face aux écrans : encadrer plutôt qu'interdire – reportage du 25 janvier 2013
avec AFP