Bébés secoués : des critères de diagnostic controversés
Jugés limités, les critères définis par la Haute Autorité de Santé pour diagnostiquer un cas de bébé secoué, sont remis en question par des familles accusées à tort de maltraitance.
Dès la naissance, Hugo est un nourrisson nerveux. Il dort mal. Pleure beaucoup. Ses parents s’inquiètent. Pédiatre, médecin traitant, ostéopathe, urgences... Le couple, inquiet, consulte une dizaine de fois pendant les quatre premiers mois de leur enfant. Mais le corps médical ne décèle aucun problème. Jusqu’au jour où tout bascule.
“On nous a enlevé notre fils, comme ça”
La nourrice prévient la mère d’Hugo, Sandrine. Son fils ne va pas bien. Il est livide et ne réagit plus. Sandrine l’accompagne aux urgences. Après des examens, le couperet tombe : d'après les médecins, Hugo est victime du syndrome du bébé secoué. “ils sont rentrés dans la chambre pour m’annoncer qu’Hugo allait être emmené le lendemain matin par une assistante sociale et amené dans une pouponnière. Ils voulaient le mettre en sécurité. Nous n’avions pas notre mot à dire. On nous a enlevé notre fils comme ça. C’était un déchirement”, témoigne Sandrine.
Les parents d'Hugo sont autorisés à le voir seulement deux heures par jour. “Nous avons quasiment perdu la première année de mon fils. Nous n’avons pas vu sa première dent, sa première purée... Ma première fête des mères, c’était à la pouponnière”, se souvient Sandrine.
Après 5 mois et demi, Hugo rentre chez lui. Mais le combat n’est pas fini. Mis en examen, ses parents attendront cinq ans avant d’être mis hors de cause.
Un diagnostic, trois critères
Pour poser le diagnostic du syndrome du bébé secoué, les médecins s’appuient sur 3 critères définis par la Haute Autorité de Santé :
- Un hématome sous-dural, c’est-à-dire un épanchement de sang dans la boîte crânienne.
- La rupture des veines ponts situées dans le cerveau.
- Une hémorragie rétinienne.
“Ces lésions ne peuvent être dues qu’à un accident de la voie publique à forte cinétique, soit un accident à 120 km/heure, avec des tonneaux, quelque chose de sévère en tous cas, soit au secouement. Ces critères diagnostic sont très robustes et je ne vois pas un bébé arriver à l’hôpital avec ce type de lésions pour une simple chute. Je ne vois pas quel autre mécanisme pourrait expliquer les lésions présentées par l’enfant”, explique le Dr Anne Laurent-Vannier, présidente du groupe de travail de la HAS sur le syndrome du bébé secoué. Le médecin est catégorique. Mais des voix s’élèvent contre cette certitude.
"50 causes différentes"
Trouble de la coagulation, maladies génétiques, méningite... “Il existe 50 causes différentes du secouement. Des causes non seulement fréquentes, mais aussi traitables. C’est important car parfois, quand le diagnostic de secouement est posé, l’enfant est condamné à mort” soutient le Pr Christian Marescau, neurologue retraité. Cet ancien chef de service a apporté son expertise dans une vingtaine de dossiers de bébé secoué. Sollicité par les parents d’Hugo, il a diagnostiqué chez le bébé une hydrocéphalie externe, un excès de liquide céphalorachidien autour du cerveau. Depuis, Hugo a été opéré et il n’a aucune séquelle.
Comme la mère d’Hugo, des parents, qui s’estiment accusés à tort d’avoir secoué leur bébé, dénoncent eux aussi les critères diagnostic de la HAS. "Le problème c’est que les recommandations de la Haute Autorité de Santé sont beaucoup trop simplistes pour un sujet très complexe et elles ont une tendance à entraîner un sur-signalement un sur-diagnostic des bébés secoués pour surtout éviter qu’un certain nombre de gens qui seraient coupables de secouement puissent passer entre les mailles du filet”, avance Me Grégoire Etrillard, qui défend près de 70 familles.
Les erreurs médicales ou judiciaires ne doivent pas faire oublier qu’entre 400 et 500 bébés sont victimes du syndrome du bébé secoué chaque année en France. Un acte de maltraitance qui entraîne le plus souvent des séquelles irréversibles voire le décès.