Grossesse : le paracétamol lié à des troubles du comportement chez l'enfant
Prescrit largement pendant la grossesse, le paracétamol pourrait exposer le bébé à des risques accrus de développer des troubles comportementaux.
L'analgésique le plus utilisé dans le monde est régulièrement passé à la loupe. La dernière étude en date, publiée le 15 août 2016, dans la revue JAMA Pediatrics, met en évidence les risques de la consommation de paracétamol pendant la grossesse. Il exposerait le bébé, en particulier lors du troisième trimestre, à un risque accru de troubles du comportement.
Hyperactivité, troubles émotionnels ou de la conduite…
Les données recueillies par les chercheurs se basent sur près de 7.800 femmes, enceintes entre 1991 et 1992. Chacune d'entre elles était invitée à remplir un questionnaire à 18 puis 32 semaines de grossesse, renseignant sur sa prise de paracétamol. Puis, sept ans plus tard, elles remplissaient à nouveau un questionnaire concernant le comportement de leur enfant.
Globalement, 5% des enfants souffraient de troubles comportementaux comme une hyperactivité, des troubles émotionnels ou de la conduite. Selon leurs observations, les troubles du comportement étaient 1,4 fois plus présents lorsque la mère avait pris du paracétamol au cours du troisième trimestre. Par ailleurs, les enfants de ces mêmes mères étaient 1,3 fois plus hyperactifs.
Des interrogations autour des dosages
Ces résultats suggèrent donc une corrélation légère entre troubles du développement cérébral et consommation de paracétamol lors de la grossesse, particulièrement au cours du troisième trimestre.
L'intérêt principal de cette étude est qu'elle cherche à exclure tous les autres facteurs confondant, pour se concentrer exclusivement sur le rôle du paracétamol. Facteurs socio-économiques, problèmes d'addiction, troubles mentaux, migraine, infection… Tout le mode vie de la mère a été décrypté pour ne pas fausser l'étude, jusqu'à la consommation de paracétamol du père !
Cependant, une question cruciale n'est pas posée par l'étude : à quelle dose et pendant combien de temps le paracétamol a-t-il été consommé ? En réalité, les données utilisées ici sont issues d'une étude populationnelle anglaise, de plus grande ampleur, dont le but était de suivre l'évolution de parents et de leurs enfants. L'étude de la consommation de paracétamol n'était donc pas, au départ, l'enjeu principal de l'étude.
Quel est l'impact du paracétamol sur le cerveau ?
Si les conclusions restent encore à confirmer, notamment pour mieux comprendre comment agit précisément le paracétamol sur le cerveau du fœtus, cette étude n'est pas la première à pointer du doigt les conséquences de l'analgésique sur le système nerveux. En juillet 2016, par exemple, des travaux publiés dans l'International Journal of Epidemiology renforçaient le lien entre paracétamol et troubles de l'attention.
On sait d'ores et déjà que le paracétamol traverse la barrière fœtale. Reste à savoir comment il agit sur le développement cérébral du fœtus. De nombreuses pistes évoquent son impact sur le système hormonal du nouveau-né et la maturation cérébrale. "Une autre possibilité est que le paracétamol perturbe le développement du cerveau par le stress oxydatif. L'augmentation des oxydants dans le fœtus peut alors conduire à la mort de neurones, lors des points critiques du développement", ajoute l'étude.
Pas de réelle remise en cause du paracétamol
Ces travaux préliminaires ne remettent pour l'instant pas en question la balance bénéfice-risque du paracétamol. Ses effets positifs sur la douleur et la fièvre pendant la grossesse sont certains. Et ne pas traiter une fièvre peut exposer la futur maman à un risque d'accouchement prématuré, par exemple.
En tout état de cause, même s'il est en vente libre, le paracétamol doit toujours être utilisé avec précaution, sans dépasser 3 grammes quotidiens chez l'adulte et pendant 5 jours maximum.
Source : Association of Acetaminophen Use During Pregnancy With Behavioral Problems in Childhood. Evidence Against Confounding. E. Stergiakouli et al. JAMA Pediatrics, août 2016. doi:10.1001/jamapediatrics.2016.1775