Inégalités de santé dès la naissance
Diabète, cancer, obésité : les enfants les plus défavorisés partent souvent avec moins de chances dans la vie. Et ces inégalités existeraient même dès la naissance. Selon une étude menée en France, les mères les moins diplômées auraient plus de risques de mettre au monde un bébé de petit poids. Le tabac et l'alcool pourraient être en partie responsables.
"Les inégalités de santé existent en France dès les premiers instants de la vie", soulignent les auteurs d'une étude qui fait le lien entre le faible niveau d'éducation de la mère et des bébés plus légers à la naissance. Réalisée par l'Institut national d'études démographiques (Ined) et s'appuyant sur l’enquête Elfe(1), cette étude suit une cohorte de 18.000 enfants nés en France en 2011. Les auteurs ont étudié les relations entre les caractéristiques socio-économiques des familles et l’état de santé des nouveau-nés.
Conclusion : moins une femme serait diplômée, plus elle présenterait de risque de donner naissance à un enfant de petit poids (moins de 2,5 kg). Ce risque est 50% plus élevé pour les femmes sans aucun diplôme, par rapport à celles avec le bac. Au-delà d'un bac + 2, le risque est divisé par deux par rapport à celles qui ne détiennent que le bac. Et ce danger baisse graduellement, au fur et à mesure qu'augmente le niveau d'études.
Un faible revenu du ménage est également un facteur de risque qui s'additionne au niveau d'instruction. D'autant plus que les familles cumulent souvent ces désavantages, précisent les auteurs dont les travaux sont publiés dans Population et Sociétés le 10 juin. "Les chances d’être en bonne santé varient selon la condition physique, le patrimoine génétique, ainsi que le contexte social et économique de l’individu", ajoutent-ils. Depuis plusieurs années, de nombreuses études montrent l'influence néfaste de l'environnement social sur la santé des enfants les plus défavorisés en France. Les bébés de petits poids n'en seraient pas la seule conséquence ; diabète, obésité, et même cancers seraient plus fréquents dans ces milieux.
Alcool et tabac pointés du doigt
Les conditions médicales pendant la grossesse des femmes enceintes peu instruites interrogent, puisqu'il semble qu'en France (au moins pour le suivi de la grossesse) les différents groupes socio-économiques ont tous accès aux services du système de santé. En revanche, la fréquence de la consommation de tabac et d’alcool des femmes enceintes varie selon le niveau d’instruction, ce qui pourrait jouer sur la fréquence du petit poids de naissance. C'est du moins l'hypothèse, à confirmer, des auteurs. Alimentation, infections génitales, expositions au toxique de l'environnement ou encore stress de la mère sont également des critères de différences évoqués par les chercheurs.
"L’hypothèse courante est que la position socio-économique d’une personne, notamment son niveau d’instruction, influe sur sa capacité à être en bonne santé en lui ouvrant des opportunités ou au contraire en lui mettant des limites" soulignent-ils. On peut donc se demander si les femmes les moins diplômées ne seraient pas davantage privées d'accès aux informations sanitaires. Quoi qu'il en soit, ce constat est le même outre-Manche, où les variations socio-économiques de risque de petit poids sont comparables à la France. L'éducation égalitaire et l'accès aux soins paraissent donc cruciales pour assurer la bonne santé des nouveau-nés.
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(1) Etude longitudinale française depuis l'enfance, qui suit des enfants de leur naissance à leur 20 ans
Source : La fréquence des naissances de petit poids : quelle influence a le niveau d’instruction des mères ? Lidia Panico, Maxime Tô et Olivier Thévenon. Population et Sociétés, juin 2015.
Un bébé est considéré en petit poids quand il pèse moins de 2,5 kg à la naissance. C'est souvent le cas des nouveau-nés issus de mère très jeunes (moins de 20 ans) ou plus âgées (plus de 35 ans). Ils concernent 6,4% des naissances (1), qui requièrent alors une surveillance médicale et alimentaire accrue. Les bébés de petits poids ont, par exemple, des problèmes pour téter, et doivent dans certains cas être alimentés avec une sonde gastrique.
(1) En France, en 2010 selon l'Inserm.