Des femmes qui ont eu recours à la PMA signent une tribune pour (enfin) peser dans le débat public
Elles ont eu un enfant par PMA et signent une tribune pour faire entendre leur voix. Elles refusent que le débat sur l’ouverture à la PMA pour toutes soit confisqué par les opposants, omniprésents dans les médias.
Pour elles, la coupe est pleine et elles ne veulent plus se taire. Quatre-vingt-dix femmes qui ont dû se rendre à l'étranger pour faire des enfants interpellent les médias dans une tribune publiée le jeudi 11 octobre sur le site de Franceinfo, dont la première signataire est Marie Labory, journaliste/présentatrice d'Arte, et mère de jumeaux nés après une PMA en Espagne. Elles expliquent ne plus supporter plus l'invisibilisation des lesbiennes et des célibataires, pourtant les premières concernées par le projet de loi du gouvernement.
Un débat monopolisé par les opposants à la PMA pour toutes
Le gouvernement travaille actuellement sur un projet de loi bioéthique, qui prévoit notamment d'étendre l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Les signataires de la tribune dénoncent le faible nombre de femmes lesbiennes ou célibataires consultées ou invitées dans les médias à s’exprimer sur cette évolution du droit. Elles notent, en revanche, que les micros sont facilement tendus aux représentants des forces réactionnaires du pays. Pourtant pas toujours légitimes pour s’exprimer . "Tous parlent au nom de dogmes, de craintes, d'inquiétudes, de ressentis. Rien qui ne soit validé par la science ou des précédents historiques, écrivent-elles. Mais leur avis prévaut, s'étale, s'invite jusque dans les Etats généraux de la bioéthique. Les uns s'appuyant sur des valeurs religieuses, qui n'ont aucune validité objectivement établie. Les autres faisant mine de se cacher derrière de vagues notions de psychanalyse, qui là non plus n'ont rien d'universel ou d'incontestable."
Sans bien sûr vouloir museler leurs contradicteurs, les auteures demandent une distribution de la parole plus équitable, moins à l’avantage criant des "spécialistes", "analystes" ou "éditorialistes" qui glosent sur [leurs] situations de vie."
Fatiguées de recevoir "un flot de haine"
Au-delà de la couverture médiatique déséquilibrée, les femmes ne tolérent plus le mépris et l’agressivité des anti-PMA. "Nous sommes à vif. Face à leur dégoût, nous souffrons. Face à leur haine, nous sommes blessées." Elles n’en peuvent plus des "petites phrases assassines", et des "punchlines apocalyptiques". "Depuis la rentrée et jusqu'à la proclamation de la loi, nous subissons et allons devoir subir leurs arguments, répétés ad nauseam. Ils ne transigeront sur rien, il n'y aura pas de négociations." Les débats houleux sur le mariage pour tou.te.s les ont profondément marquées et les ont laissées "exsangues". "Et voilà que ça recommence", écrivent-elles.
Les signataires de la tribune sont révulsées par le "boulevard" qui est fait à des intervenants dont la lesbophobie n'est même plus questionnée. "C'est bien le fait que des femmes, lesbiennes ou célibataires, puissent se passer d'un pénis dans leur vie qui pose problème. Ces femmes-là doivent quelque part en payer le prix et ce prix, quelques traditionalistes ont décrété que ce serait de ne pas avoir d'enfant".
Les lesbiennes, pas assez "sexy" pour les médias français ?
75% des Français sont favorables à l'ouverture de la PMA, selon un sondage Ipsos-Sopra réalisé pour France Télévisions en juin 2018. Les médias, d’après les signataires, sont bien loin d’être le reflet de cette tolérance. Inviter des personnalités réactionnaires et clivantes serait, pour eux, plus vendeur. "La haine, la peur, ça vend bien, n'est-ce pas ? " interrogent-elles. "C'est moche à dire, et à reconnaître, mais vous êtes nombreux, dans les rédactions, à utiliser la force de frappe des haineux sans avoir l'air d'y toucher. Il n'y a qu'à lire les commentaires sous vos articles en ligne. De l'homophobie crasse au kilomètre. Mais ça fait du trafic sur vos pages."
Donner la paroles aux femmes homosexuelles serait une recette moins gagnante pour les journaux et télévisions. Les auteures invitent les journalistes à faire leur autocritique. "N'y a-t-il pas là une forme de lesbophobie, plus soft, peut-être moins consciente, qu'il serait bon de questionner ? L'idée préconçue, sans doute même pas exprimée, mais qui s'impose à de nombreuses rédactions, qu'une lesbienne, ce n'est pas très "sexy" médiatiquement ? Qu'elle n'est pas, a priori, "une bonne cliente" ? Que ce n'est pas "concernant" pour "les gens" ? Que celles qui prennent la parole sont "trop militantes" ?"
"Vraiment, ne vous inquiétez pas pour nos enfants", concluent-elles. "Ou plutôt, si, inquiétez-vous, médias, journalistes, politiques, inquiétez-vous et protégez-les des discours de haine."