Guadeloupe : "Combien de temps on va pouvoir tenir ?"
L’opposition au pass sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants et des pompiers a dégénéré en Guadeloupe sur fond de violences urbaines. Quelle conséquence sur l’accès aux soins des malades ? Interview du Dr Gilles Boulesteix, anesthésiste-réanimateur au Centre Hospitalier de Basse-Terre.
Le chaos. C'est ce que décrit le Dr Gilles Boulesteix, anesthésiste-réanimateur au Centre Hospitalier de Basse-Terre, en Guadeloupe : "Les manifestants et les barrages sont devant l’hôpital. L’accès pour le personnel est très difficile, même pour le SAMU".
Deux hôpitaux "quasiment à l'arrêt"
"Les deux hôpitaux principaux de Point-à-Pitre et de Basse Terre sont quasiment à l’arrêt, on tourne extrêmement au ralenti. Toute la chirurgie programmée est arrêtée, on ne fait que les urgences. Le matin ou à la relève de la garde, notre hantise c’est de savoir qui (quel personnel) va pouvoir venir ", s'inquiète le Dr Gilles Boulesteix.
D'après l'anesthésiste-réanimateur, les soignants grévistes sont peu nombreux. Ils sont "moins de 5 % des soignants sur l’hôpital", et ce sont essentiellement "des personnels paramédicaux et techniques".
Mais en plus de l'hôpital, les répercussions se font ressentir sur la médecine de ville.
Un risque pour les personnes isolées
"Ce report des soins aura une incidence". Un autre source de main forte est à prévoir. "Nos services d’urgence et d’anesthésie-réanimation fonctionnent d’habitude beaucoup avec des remplaçants. Maintenant, les remplaçants prévus nous écrivent pour annuler leur vacation" ajoute t-il.
Pour l’instant, heureusement, pas encore de conséquence sur les réserves hospitalières en médicaments. D’après le réanimateur : "L’approvisionnement en médicaments n’est pas impacté, nos stocks sont conséquents".
L’Agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe avertit aussi sur la "condition des personnes isolées, âgées ou handicapées qui ont pu se retrouver seules à leur domicile car leurs enfants, leurs aide-ménagères n'ont pu venir leur donner à manger ou dormir avec elles".
Pour le Dr Boulesteix, la crise sociale ne se télescope encore pas avec la crise du Covid mais « on sait que cela va repartir » explique-t-il. Il s’attend à une hausse des hospitalisations, y compris en réanimation.
Des soignants agressés
En plus de la dégradation de la continuité des soins, l’Agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe a dénoncé lundi 21 novembre des "agressions physiques de professionnels de santé".
L’ARS dénonce elle aussi des menaces sur un médecin "tenu en joue avec un fusil sur la tempe à la sortie de sa garde aux urgences" ou des "agressions de pharmaciens".
L’exécutif tente de trouver des solutions
Mise à pied de soignants non vaccinés, envoi d'unités d'élites du GIGN et du Raid.... le gouvernement peine à rétablir une situation de calme sur l'île.
La Confédération Générale du Travail (CGT) a regretté que le gouvernement "opte pour la répression et l'affrontement" en Guadeloupe et exigé qu'il "ouvre le dialogue". Pour le syndicat, les autorités publiques jouent une part de responsabilité dans la dégradation de la continuité des soins.
"Nous devons continuer à protéger les Guadeloupéens, y compris contre toute forme de délinquance que nous pouvons constater", a répété Gabriel Attal, dénonçant une "minorité récalcitrante" et "violente" qui prend "toute une île en otage".
Vers un début de dialogue ?
Le Premier ministre Jean Castex a annoncé la création d'une "instance de dialogue" afin de "convaincre et d'accompagner individuellement, humainement", les professionnels concernés par l'obligation vaccinale, dans une tentative pour calmer l’embrasement.
Mardi 23 novembre, les autorités se sont engagées à fournir des vaccins contre le Covid-19 sans ARN messager aux soignants en Guadeloupe qui le désirent, a indiqué mardi le ministre des Outre-mers Sébastien Lecornu.
Le Dr Boulesteix reste dubitatif. "C’est une piste mais cela aurait déjà été refusé par les manifestants".
Depuis l'été, le taux de vaccination a progressé en Guadeloupe, avec désormais un taux de près de 90% des soignants vaccinés. Côté population, seul 50% est vaccinée contre 75% en métropole.
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