Intoxication aux champignons : les signes qui doivent alerter
Qu'elle sentait bon, cette poêlée de champignons sauvages... Mais quelques minutes, quelques heures, voire quelques jours après le repas, des troubles divers commencent à apparaître. Or, si de nombreuses intoxications se révèlent bénignes, l'apparition de certains symptômes impose d'alerter immédiatement votre centre antipoison !
Si une petite quarantaine de champignons de nos sous-bois sont toxiques, ceux-ci ne sont pas seuls responsables des très nombreuses intoxications qui ont lieu en France chaque année. Celles-ci peuvent en effet être causées par la contamination microbienne d'un champignon comestible, la présence de pesticides (cueillette à proximité de zones de culture) ou celle de métaux lourds (notamment à proximité des routes).
Le délai d'apparition des premiers symptômes
Les centres antipoison (CAP) associent généralement la gravité d'une intoxication au temps écoulé entre l'ingestion du champignon et l'apparition des symptômes.
Mais attention ! Cet élément diagnostique perd toute sa pertinence lorsque l'on a consommé des champignons à l'occasion de repas successifs, puisqu'il est alors impossible de savoir si l'intoxication trouve son origine dans le tout dernier repas - et donc si l'incubation a été longue ou courte.
De même, lorsque des champignons d'espèces différentes ont été cuisinés ensemble, l'apparition rapide de symptômes peut faire ignorer la survenue ultérieure de signes associés à une intoxication plus lente.
Tremblements, vertiges, troubles de la vue, nausées et vomissements : les symptômes d'intoxication peuvent apparaître jusqu'à 12 heures après la consommation.
En ce cas, ne tergiversez pas : contactez immédiatement votre CAP !
Incubation courte (inférieure à 6 heures) : une évolution le plus souvent favorable
Quatre grands ensembles de signes et de symptômes (ou syndromes) peuvent survenir moins de six heures après ingestion de champignons communs. Si ces intoxications à incubation courte sont le plus souvent bénignes, il faut toutefois rester vigilant.
- Des vomissements, des douleurs abdominales et/ou des diarrhées sévères apparaissant entre 15 minutes et 2 heures après la consommation de champignons, caractérisant un syndrome gastro-intestinal (aussi appelé "résinoïdien"). Ils se dissipent en moins de deux jours. Ce syndrome est typique de la consommation "crue" de champignons porteurs de certaines toxines qui auraient pu être dégradées par la cuisson. Il peut aussi être associé à la présence de contaminants captés par le champignon comestible (pesticides…), ou à une intolérance physiologique (déficit d'une enzyme de digestion, etc.).
Attention : la déshydratation consécutive aux diarrhées peut exposer, dans les situations les plus graves, à un risque d'insuffisance rénale et de coma. Dans certains cas, le syndrome intestinal peut s'accompagner de malaises, d'une baisse de la tension artérielle, de sueurs ou de crampes musculaires. Par ailleurs, l'apparition de ces signes deux heures après la consommation de gyromitres est symptomatique de l'imminence d'une intoxication grave ! - De nombreux clitocybes, ainsi que plusieurs amanites et inocybes contiennent de la muscarine, toxine responsable du syndrome muscarinien. Celui-ci survient de 15 minutes à 4 heures après le repas. Outre les troubles propres au syndrome gastro-intestinal, il se caractérise par une forte sudation, des larmoiements et des écoulements nasals. La muscarine peut également provoquer un ralentissement du rythme cardiaque et une baisse de la tension artérielle.
- Le coprin noir d'encre (coprin atramentaire) contient des doses importantes de coprine, qui acquiert ses propriétés toxiques en présence d'alcool. Le risque subsiste plusieurs après la consommation du champignon ! Les symptômes du syndrome coprinien, qui surviennent de 30 minutes à 2 heures après ingestion d'alcool, sont des nausées, des vomissements, des troubles du rythme cardiaque et l'apparition de rougeurs sur la partie supérieure du corps.
- Un grand nombre d'amanites hallucinogènes sont responsables de nausées, vomissements, d'une accélération du rythme cardiaque et, surtout, d'un état général d'agitation, d'ébriété, de confusion voire de délire hallucinatoire. Les troubles naissent entre 30 et 3 heures après ingestion, et se dissipent en laissant le sujet dans un état de torpeur pouvant durant deux jours.
(1) Par exemple, les morilles crues contiennent des hémolysines, substances destructrices des globules rouges humains
Un cinquième syndrome à survenue rapide est associé à la consommation - presque toujours volontaire - de champignons hallucinogènes du genre Psilocybes. Leur absorption entraîne en moins de 30 minutes nausées, hallucinations, troubles visuels, vertiges et tachycardie. Ces troubles peuvent mettre douze heures à se dissiper. Des complications cardiaques et psychiatriques importantes sont susceptibles d'apparaître chez certains sujets.
Incubation longue (6 heures et plus) : appelez immédiatement le centre antipoison !
L'apparition de tout ensemble de signes et de symptômes plus de six heures après l'ingestion des champignons justifie une prise en charge hospitalière d'urgence.
Cinq toxines présentes dans des champignons communs sont à l'origine des syndromes d'intoxication les plus inquiétants.
- L'amanitine (présente dans l'Amanite phalloïde, l'Amanite vireuse, l'Amanite printanière, de même que dans plusieurs Lépiotes et Galères) prend pour cible le foie. De 6 à 36 heures après ingestion des champignons (12 heures en moyenne), débute une diarrhée intense, provoquant une très forte déshydratation. Le foie commence à être atteint 36 heures après le repas, la toxine opérant alors pendant une centaine d'heures.
Dans les meilleurs cas, l'atteinte du foie est modérée ; les douleurs abdominales et diarrhées durent de 3 à 5 jours. Plus fréquemment, les symptômes associés seront ceux d'une hépatite aigüe, qui persisteront de 2 à 3 semaines. Dans les formes les plus sévères de la maladie, ces signes cliniques s'accompagnent d'hémorragies digestives.
S'ils sont traités, les signes régressent en 8 à 12 jours. Environ 15% des intoxications conduisent au décès (hépatite fulminante) au cours de la deuxième semaine qui suit la consommation des champignons.
- L'orellanine (présente dans de nombreux cortinaires) cible pour sa part les reins. Un peu plus de 24 heures avec le repas de champignons débutent des nausées, des vomissements, des crampes et des douleurs musculaires et un affaiblissement général de l'organisme. Les reins sont atteints de une à trois semaines après l'apparition de ces premiers symptômes, entraînant une insuffisance rénale aigüe. Un cas sur deux évolue vers une insuffisance rénale chronique, rendant indispensable une transplantation de reins.
- La gyromitrine - produite par les champignons du genre Gyromitre - cible foie, reins et sang (globules rouges). Les gyromitres (également nommées "fausses morilles") ont longtemps été consommés en France, et vendus sur les étals des marchés. La gyromitrine est en effet détruite à 99% par la cuisson ou un séchage au soleil. Une ingestion répétée de gyromitres cuits ou séchés, ou de champignons crus entraîne, 8 à 12 heures après le repas, des troubles digestifs (vomissements, douleurs abdominales) qui peuvent être les symptômes avant coureurs des évolutions suivantes : hépatite (36 à 48 heures après le repas), insuffisance rénale, destruction des globules rouges, troubles neurologiques (confusion, délire, tremblements). La toxicité des gyromitres n'est démontrée que depuis 1984, et sont donc présentés comme comestibles dans les anciens ouvrages mycologiques. Certains pays européens autorisent encore la commercialisation de ce champignon.
Attention : certaines intoxications sévères entrainent l'apparition des symptômes digestifs seulement deux heures après ingestion ! - Une toxine encore non identifiée, présente dans l'amanite à volve rousse, est à l'origine de troubles digestifs importants (de 2 à 48 heures après consommation) et, surtout, d'une insuffisance rénale aigüe (après 24 heures), celle-ci pouvant durer trois jours. L'évolution est heureusement favorable en trois semaines dans une majorité de cas.
- La consommation durant plus de trois repas consécutifs de trichlome équestre (également appelé trichlome des chevaliers), champignon comestible poussant dans les Landes, peut entraîner, de 1 à 6 jours après le dernier repas, l'apparition de douleurs musculaires et de nausées. Ces signes traduisent le début d'une rhabdomyolyse, c'est-à-dire d'une destruction massive des cellules musculaires. Lorsque les muscles respiratoires ou cardiaques sont atteint, le décès est inévitable.
En savoir plus sur la toxicité des champignons
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