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En finir avec la douleur : vos questions, nos réponses (part.1)

A l'occasion de la Journée mondiale contre la douleur, nous vous proposons de retrouver les questions/réponses de l'émission Enquête de Santé diffusée le 23 septembre 2016.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le

Migraine, mal de dos, brûlure… Chacun d'entre nous a déjà expérimenté la douleur au cours de sa vie et ce symptôme est l'un des premiers motifs de consultation chez le médecin. Mais il arrive que la douleur résiste aux traitements et devienne une maladie à part entière. On estime que quinze millions de Français souffrent de douleurs chroniques.

La douleur a longtemps été considérée comme un symptôme "normal" par les médecins. Mais les temps changent et depuis une vingtaine d'années, la lutte contre la douleur est devenue un droit fondamental du malade. Trois plans nationaux se sont succédés pour généraliser l'accès aux médicaments et créer des unités douleurs dans chaque département.

Vous pouvez retrouver les coordonnées du centre anti-douleur le plus proche de chez vous en consultant le site du ministère de la Santé.
 

VOIR OU REVOIR l'émission Enquête de santé "En finir avec la douleur" sur notre site Internet ou sur notre chaîne YouTube

La douleur est-elle subjective ?

La douleur est-elle subjective ?

Les réponses avec le Dr Eric Serra, chef de service au centre d’étude et de traitement de la douleur CHU Amiens :

"Le problème de la subjectivité de la douleur débouche en réalité sur une possibilité de l'évaluer. Les phénomènes subjectifs que ce soit la fatigue, l'anxiété, la peur de la maladie… sont tout de même évaluables par les médecins. La difficulté réside dans le fait qu'il n'y a pas d'objectivation, qu'il n'y a pas d'instrument pour mesurer la douleur mais nous avons des instruments pour mesurer le retentissement de la douleur. Les patients évoquent non seulement leurs douleurs mais leur retentissement dans la vie de tous les jours. Un retentissement qui peut être terrible au point de vouloir parfois mettre fin à sa vie, à ses jours parce que cette douleur totalement subjective envahit les gens et les empêche de vivre. La douleur mais aussi son retentissement doivent être évalués."

Pourquoi utilise-t-on parfois des antidépresseurs pour soulager les douleurs ?

Pourquoi utilise-t-on parfois des antidépresseurs comme antidouleurs pour soulager les douleurs liées à la fibromyalgie ?

Les réponses avec le Pr Alain Eschalier, pharmacologue et président de l'Institut Analgésia, et avec le Dr Eric Serra, chef de service au centre d’étude et de traitement de la douleur CHU Amiens :

"Les antidépresseurs se sont manifestés comme efficaces dans les douleurs, en particulier neuropathiques. Et c'est l'empirisme clinique, et non les chercheurs, qui a montré cette efficacité. Le constat a ensuite été que ces médicaments sont capables de moduler les circuits de transmission de la douleur. Et un patient douloureux chronique non déprimé peut être amélioré par des antidépresseurs. Ce n'est pas le fait d'améliorer l'état dépressif qui est efficace mais c'est bien une influence sur la transmission du message douloureux. Mais l'effet antidépresseur dans la douleur chronique peut aussi venir aider à l'efficacité de ces traitements."

"On sait que 20% des patients douloureux chroniques sont dépressifs du fait de leur douleur. Et en consultation de la douleur, nous recevons jusqu'à 60% de patients dépressifs. Ces patients doivent avoir un traitement à la fois de la douleur et de la dépression. Dans certains cas, certains antidépresseurs se révélant antalgiques, ils vont être utiles pour la dépression ou l'anxiété des patients. Dans d'autres cas, il va falloir administrer à ces patients des traitements médicamenteux ou non médicamenteux que l'on donne habituellement dans le domaine de la dépression, avec parfois des doses différentes que connaissent bien les médecins de la douleur."

Le cannabis soulage-t-il les douleurs ?

Les personnes souffrant de douleurs chroniques parlent des effets calmants du cannabis, qu'en est-il ?

Les réponses avec le Pr Alain Eschalier, pharmacologue et président de l'Institut Analgésia :

"Le cannabis a été historiquement utilisé pour essayer d'améliorer les douleurs. Aujourd'hui, il n'y a pas de preuve évidente que le cannabis ait une efficacité antalgique avérée. Il existe des études positives, des études négatives. Aujourd'hui, on ne peut donc pas affirmer que le cannabis a des effets sur la douleur. De plus, il existe plusieurs formes de cannabis : est-il fumé, s'agit-il de dérivés… Certains produits commercialisés sont des dérivés chimiques du cannabis et sont utilisés pour des douleurs particulières. Certains de ces dérivés bénéficient d'ATU, c'est-à-dire des autorisations temporaires d'utilisation."

Centres anti-douleur : pourquoi les délais sont-ils si longs ?

Pourquoi est-il si difficile et long d'obtenir un suivi dans un centre antidouleur, surtout en province ?

Les réponses avec le Dr Dominique Valade, neurologue :

"Ce n'est pas le nombre de centres qui manquent, c'est l'organisation. Un centre avec un seul médecin sera dramatique. Tout d'abord je ne crois pas à l'universalité, il faut se méfier des personnes qui savent tout. Il faut un trépied. Il faut obligatoirement trois médecins. Pour le mal de dos, il faut un rhumatologue. Pour le mal de tête, il faut un neurologue. Ensuite, de nombreuses pathologies peuvent être prises en charge par un anesthésiste… Le psychiatre a aussi sa place dans le centre. Le problème de nombreux centres antidouleur en France, c'est qu'ils se sont créés autour d'un médecin. Et ce médecin s'est retrouvé tout seul. Il a déjà beaucoup de mal à tout savoir et en plus, il doit tout traiter et traiter tout le monde. Il faudrait que des spécialistes viennent régulièrement dans ces centres."

Douleurs liées à l'endométriose : quelle prise en charge ?

Qu'en est-il de la prise en charge des douleurs liées à l'endométriose ?

Les réponses avec le Dr Delphine Lhuillery, médecin spécialiste de la douleur :

"Quand on se plaint quand on est une femme, on est éventuellement hystérique. De plus, ces douleurs concernent un organe gynéco donc de fait, on croit moins les femmes. La problématique de la douleur dans l'endométriose intervient pendant les règles mais elle peut aussi intervenir en dehors des règles. On peut avoir une douleur qui se chronicise au cours du temps. Les mécanismes qui ont été reconnus peuvent être inflammatoires (uniquement pendant les règles) mais en dehors des règles, ce sont des irritations neurologiques et des terminaisons nerveuses qui sont enserrées dans l'endométriose ou cicatricielles post-opératoires et qui vont être le point de départ d'une sorte d'incendie, même s'il n'y a pas beaucoup d'inflammation. C'est une sorte de douleur qui va s'envenimer parce que les organes vont finir par s'arrêter de bouger les uns derrière les autres. Et cela va aussi entraîner des douleurs dysfonctionnelles. On a donc des douleurs neuropathiques, des douleurs dysfonctionnelles qui vont s'amplifier avec le temps.

"Au départ, on traite ces douleurs comme des douleurs neuropathiques. On utilise donc des traitements assez spécifiques de ces douleurs neuropathiques en particulier les antiépileptiques, parfois certains antidépresseurs. Et on essaie de créer une sorte de redynamisation de ce tissu, et pour cela on va faire appel à des techniques non médicamenteuses comme l'ostéopathie et on va essayer de relancer cette dynamique. On va tenter de remobiliser les organes pour qu'ils se remettent à bouger. Les femmes souffrant d'endométriose ont souvent des troubles fonctionnels intestinaux qui sont souvent liés à cet organe digestif qui ne bouge pas suffisamment bien. Et donc ces approches non médicamenteuses vont permettre d'être très complémentaire du médicament sur les douleurs.

"Il ne faut pas avoir recours à la chirurgie en permanence même si la chirurgie peut faire partie des traitements de la douleur. Nous sommes complémentaires de l'hormonothérapie qui va permettre de traiter la plupart du temps les douleurs pendant les règles et de la chirurgie quand on est dans un domaine compliqué."

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