La chanson "Enfer" de Stromae brise le tabou des maladies mentales et du suicide
Le chanteur belge Stromae a dévoilé son dernier titre “Enfer”, dimanche soir sur le plateau de TF1. Sa prestation commentée a néanmoins permis d’aborder le thème de la dépression et du suicide, à une heure de grande écoute.
Après sept ans d’absence, le chanteur belge Stromae a fait son grand retour sur la scène médiatique française sur le plateau du journal télévisé de TF1, ce dimanche 9 janvier. Interviewé sur la période dépressive qu'il a vécue en 2015, causée notamment par les “effets secondaires sérieux d’un traitement anti-paludique”, l’auteur de Papaoutai a répondu en dévoilant son nouveau titre : Enfer.
Devant plus de 7,2 millions de personnes, et durant près de 2 minutes 30, le chanteur belge a mis des mots sur ses pensées suicidaires et cet épisode dépressif. “J’ai parfois eu des pensées suicidaires. Et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire. Ces pensées qui me font vivre un enfer”, des paroles fortes.
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La dépression encore taboue
Un instant télévisuel qui n’a pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux. Plusieurs spécialistes de la santé mentale ont tenu à féliciter Stromae pour la puissance de son témoignage, à une heure de grande écoute. Pour le Pr Antoine Pelissolo, chef de service de psychiatrie à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, cette “chanson va permettre de parler de ce sujet encore trop tabou : la dépression ”.
Le spécialiste souligne que “la forte médiatisation de ce passage au journal télévisé peut permettre aux personnes touchées de se reconnaître dans les paroles du chanteur”. L’année dernière, les témoignages de plusieurs athlètes, comme la joueuse de tennis Naomi Osaka ou la gymnaste Simone Biles, ont permis de briser le silence sur la santé mentale des sportifs et de dénoncer la course à la performance.
3114 : un numéro en cas de détresse psychologique
Ces messages médiatiques peuvent avoir une portée préventive. Une étude menée par le centre de santé publique à l'université médicale de Vienne en 2005 a établi une corrélation entre les contenus des médias et la variation du taux de suicide. Ces messages peuvent aussi avoir une portée préventive notamment "lorsque les médias abordent le vécu de l’idéation suicidaire en mettant l'accent sur la volonté de continuer à vivre”, comme le rappelle le portail Papageno Suicide.
“Si, comme Stromae, vous croyez parfois que le seul moyen de faire taire les pensées qui vous font vivre un enfer sont les pensées suicidaires, ne restez pas seul. Appelez le 3114 (le numéro national de prévention du suicide)”, rappelle le psychiatre au Centre psychothérapique de Nancy David Masson.
“Ce témoignage personnel peut ouvrir la voie et la voix d’un jeune public notamment, longtemps mis de côté”, espère le Pr Pelissolo. “La prise en charge retardée des maladies psychiatriques a trop souvent entraîné des risques de drames, voire des passages à l’acte, alors que l’ouverture de la parole est un facteur essentiel pour limiter les risques”, souligne-t-il. “Un tel témoignage n’est pas anodin, notamment lorsqu’il y a une solitude, ou une difficulté à en parler à ses proches. Il est important de préciser que le 3114 permet d’en parler avec des professionnels 24h/24 et 7j/7.”
La chanson qui sauve aux Etats-Unis
La libération de la parole du Maestro belge sur son mal-être pourrait donc avoir des effets bénéfiques. Aux Etats-Unis, le titre "1-800-273-8255" (le numéro américain de la ligne de prévention du suicide) du rappeur Logic sorti en 2017, aurait permis de faire baisser le taux de suicide chez les ados. Une étude du British Medical Journal a recensé 9 915 appels, 34 jours après la parution du titre. Ces appels correspondraient à 245 suicides évités.
En France, plusieurs plateformes d’écoute permettent d’aider les personnes en situation de maladies mentales. Outre le 3114 (numéro gratuit), il existe la plateforme Ecoute Etudiant ecouteetudiants-iledefrance.fr à destination des étudiants ou covidecoute.org pour les détresses liées à la crise du coronavirus. Il est également important de parler à ses proches, son généraliste ou son psychiatre pour trouver des solutions.