Chadwick Boseman : le cancer colorectal touche de plus en plus de jeunes
Le cancer colorectal progresse chez les moins de 50 ans. Pourtant aucun dépistage n’est organisé avant cet âge en France et les symptômes sont trop souvent mal interprétés, ce qui retarde le diagnostic et la prise en charge.
L’acteur américain Chadwick Boseman n’avait que 43 ans lorsqu’il est mort, le 28 août dernier, d’un cancer colorectal. Un drame qui illustre une situation bien connue des médecins.
En effet, le nombre de cancers du côlon et du rectum chez les adultes de moins de 50 ans est en "nette augmentation" ces dernières années, reconnaît le professeur Jérémie Lefevre, chirurgien viscéral et digestif à l’hôpital Saint Antoine à Paris.
+50% chez les jeunes Américains
Aux États-Unis, depuis 1994, le nombre de cancers colorectaux chez les moins de 50 ans a augmenté de 50%. Cette classe d'âge représente désormais 11% des cancers du côlon et 18% des cancers du rectum. La tendance est similaire en France, où les spécialistes observent 3% d’augmentation par an chez les moins de 50 ans, depuis 10 ou 15 ans.
"Globalement ce cancer diminue un peu en incidence globale grâce à un meilleur dépistage, mais augmente en parallèle chez les moins de 50 dans tous les pays occidentaux" regrette le professeur Lefevre. Et la majorité des 35-50 ans touchés par ce cancer ne présentent pas de facteur de risque particulier, pas d’antécédents familiaux ni de maladie génétique.
Le "style de vie" en cause ?
Alors comment expliquer ce phénomène ? Pour l’heure, aucune cause précise n’est identifiée mais plusieurs pistes sont retenues, selon le professeur Lefevre. Le principal facteur en cause concerne le "style de vie".
De façon caricaturale, les femmes et les hommes touchés avant 50 ans "sont assez sédentaires, consomment de la viande rouge, de l’alcool, peu de légumes et peu de fibres" illustre le chirurgien.
D’autres pistes impliquant le microbiote et l’inflammation de l’intestin sont aussi à l’étude.
Pour un dépistage précoce
Problème, le cancer colorectal est encore considéré comme rare chez les moins de 50 ans. Aucun dépistage n’est organisé avant cet âge en France et le diagnostic est donc souvent tardif.
Si l’American Cancer Society a récemment avancé l'âge recommandé du premier dépistage à 45 ans au lieu de 50 ans aux Etats-Unis, la France n’a pas encore franchi le pas. "Il suffirait d’avancer de cinq ou 10 ans le dépistage" regrette le professeur Lefevre, qui ne recommande pas forcément une coloscopie dans ce cas, mais plutôt un FIT (pour Fecal Immunological Test ou test immunologique fécal en français).
Ce dernier consiste à rechercher la présence de sang dans les selles en laboratoire. Il est "très sensible, n’est pas cher, pas agressif, indolore et rapide" contrairement à la coloscopie, "un examen assez lourd qui nécessite une anesthésie", rappelle le spécialiste. Et, si le FIT est positif, il faudra alors programmer une coloscopie pour détecter la présence d’un polype ou d’une tumeur.
Reconnaître les symptômes
Sans dépistage systématique, c’est la survenue de symptômes inhabituels qui doit pousser les patients à consulter un médecin, et les médecins à prescrire un examen de dépistage.
Ces symptômes, quels sont-ils ? A 35 ans comme à 50 ans, ils regroupent la présence de sang rouge dans les selles ou des selles noires, des selles malodorantes, une modification du transit, des douleurs abdominales et une anémie au long cours.
Multiplier les coloscopies
"Par réflexe, les médecins pensent encore trop souvent à une colopathie fonctionnelle ou à des hémorroïdes face à ces symptômes" déplore le professeur Lefevre. Mais il ne faut pas conclure à des hémorroïdes sans avoir fait d’investigation et sans s’être assurés qu’il n’y avait pas de problème plus haut dans le côlon.
Le cancer du côlon n’est malheureusement pas exceptionnel avant 50 ans conclut le spécialiste, qui appelle donc ses confrères à "avoir la coloscopie plus facile" face aux jeunes patients. D’autant qu’il s’agit globalement d’un cancer qu’on soigne très bien s’il est diagnostiqué tôt, assure le médecin, notamment grâce à "une chirurgie très bien réglée" et à "une chimiothérapie qui fonctionne extrêmement bien".