Cancer : des pertes de chance à cause de la Covid ?
Aujourd'hui, plusieurs médecins déclarent prendre en charge des patients atteints de cancers plus avancés. Une impression confirmée par une étude menée au centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy, en région parisienne.
Annulation des dépistages, report des chirurgies, décalage des soins non-urgents… Pendant les premiers mois de la crise sanitaire, il a fallu faire face à la vague de patients atteints de la Covid-19. Désormais, les autres patients pâtissent du report de leurs soins, notamment ceux qui souffrent de cancer.
Interventions chirurgicales reportées
Ambre n’a que 25 ans lorsque les médecins découvrent une tumeur maligne à son sein gauche. De longs mois de traitements commencent pour la jeune femme. Chimiothérapie, ablation du sein malade… Par précaution, il faut aussi lui retirer le sein droit, même s’il n’est pas encore touché par le cancer. Son intervention est programmée le jour du confinement. Mais comme elle n’est pas urgente, elle est finalement reportée.
“Je stressais parce que je voulais que ça se passe, je ne voulais pas garder ce sein comme une menace pour moi, je voulais passer à autre chose. Ils étaient tellement débordés, dépassés, que tous les malades chroniques, comme nous, on était tous laissés de côté. Je n’avais plus de soins, plus de suivi, je n’avais rien”, témoigne la jeune felle.
Finalement, elle est opérée du sein droit en juin, après le confinement. Un report sans conséquence grave. Mais tous les malades n'ont pas cette chance.
Diagnostics tardifs
A Gustave Roussy, l’un des plus grands centres européens de lutte contre le cancer, le Dr Rimareix, chirurgien plasticien, a le sentiment de voir arriver des patientes avec des cancers du sein avancés, en particulier chez les femmes de plus de 60 ans.
“Elles font partie des populations à risque du cancer du sein. Le diagnostic ne se fait que maintenant. Elles arrivent avec des cancers à un stade plus avancé qui nécessiteront des traitements plus lourds”, déplore le médecin.
Quel impact sur la survie des malades ?
Il est encore trop tôt pour mesurer la perte de chance exacte des patients après la crise sanitaire. Mais une étude française vient confirmer le sentiment de nombreux médecins. Elle se base sur les patients pris en charge pour un cancer à Gustave Roussy et simule l’impact du report des soins sur leur survie.
“Ce délai se traduit par une surmortalité par cancer de 2,25 à 4,60% en fonction des dynamiques de retour des patients”, explique Aurélie Bardet, statisticienne, à Gustave Roussy.
Des résultats d’autant plus inquiétants qu’ils ne prennent pas en compte la deuxième vague épidémique. Selon cette statisticienne, la surmortalité des patients atteints de cancer sera très certainement plus élevée que ne le prédit cette première étude.