L'énigme du cancer du poumon des non-fumeurs
Le tabac est la première cause de cancer du poumon. Mais ce cancer touche de plus en plus de non-fumeurs. Un cancer du poumon sur dix n'est pas provoqué par le tabac. La maladie prend alors souvent une forme différente. Les spécialistes cherchent à mieux l'identifier et à comprendre les causes.
Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en France, avec un responsable classique très identifié : le tabac. Mais pas toujours... Les non-fumeurs peuvent aussi être touchés. Une injustice de plus en plus fréquente… et une énigme.
"Chaque année, il y a 40.000 nouveaux cas de cancer du poumon en France. Et parmi eux, il y en a 10% chez les hommes et 30 à 40% chez les femmes qui sont des personnes qui n'ont jamais fumé. Il est vrai qu'on en voit de plus en plus. Et c'est quelque chose qu'on ne voyait pas du tout il y a une vingtaine d'années", explique le Dr Philippe Girard, pneumologue.
Médicalement parlant, il faut avoir consommé moins de 100 cigarettes dans sa vie pour être considéré comme non-fumeur. Et lorsque ces non-fumeurs sont touchés par le cancer du poumon, il prend souvent une forme particulière comme le souligne le Dr Girard : "Chez les fumeurs, la fumée pénètre dans les poumons par les grosses bronches, elle atteint les grosses bronches, elle imprègne les grosses bronches et c'est là qu'elle provoque les cancers. Chez les non-fumeurs, les formes du cancer du poumon sont des formes qui débutent très souvent dans les alvéoles, très loin dans le poumon".
La multiplication de ces cas de cancer du poumon sans tabac permet de commencer à mieux les étudier, à mieux cerner leur spécificité. "C'est une façon de développer le cancer qui n'est certainement pas la même que celle des fumeurs. Ils n'ont pas la même présentation, ils n'ont pas la même biologie. Maintenant que l'on réalise des analyses en biologie moléculaire et qu'on dissèque la biologie des cancers, on remarque que ce n'est pas les mêmes anomalies qu'on retrouve. Et donc souvent les traitements sont un peu différents", note le Pr Jean Trédaniel, pneumologue.
Les cancers du poumon des non-fumeurs se caractérisent ainsi plus souvent par des mutations génétiques particulières. Ils peuvent alors bénéficier de thérapies ciblées. Mais c'est la cause de ces maladies qui reste à identifier.
Une des hypothèses explorées concerne particulièrement les femmes : "Parmi les patients ayant un cancer et étant non-fumeur, il y a une majorité de femmes (80-90%)", constate le Pr Trédaniel, "on sait que les hormones (oestrogène et progestérone) favorisent la prolifération cellulaire, on retrouve des récepteurs de ces hormones sur les cellules pulmonaires et donc une des hypothèses est effectivement de se dire en particulier chez les non-fumeuses, qu'il pourrait y avoir un rôle des hormones sexuelles de la femme dans le développement des cancers".
Une étude est en cours pour évaluer le rôle de ces hormones dans la multiplication de cellules cancéreuses au niveau du poumon. D'autres causes sont elles déjà connues comme le fait de vivre à côté de fumeurs, d'avoir été exposé à l'amiante ou à certains produits chimiques et à la pollution atmosphérique. "Vraisemblablement c'est une conjonction de plusieurs facteurs. Il est important de comprendre le plus vite possible s'il y a des facteurs sur lesquels on pourrait agir pour contrecarrer ces facteurs de risque. Mais pour le moment, en dehors du tabagisme passif, en dehors des expositions professionnelles que l'on connaît chez l'homme et que l'on commence à explorer chez la femme, on n'a pas de pistes formelles", confie le Pr Trédianiel.
Le problème, c'est qu'il est impossible de savoir quelle dose de tel ou tel produit toxique on a respiré au cours de sa vie. Et malheureusement, il ne laisse pas de trace identifiable par une prise de sang ou une analyse de tumeur par exemple. Les suspects sont donc nombreux et le (ou les) coupable(s) courent toujours.