Cancer du sein : le risque persiste après 75 ans
Les gynécologues du CNGOF appellent à un meilleur dépistage du cancer du sein chez les femmes de 75 ans et plus. Une baisse de vigilance survient en effet après 74 ans, à la fin du dépistage organisé.
Le dépistage organisé du cancer du sein commence à 50 ans et se termine et 74 ans. Mais cela signifie-t-il que les risques sont négligeables à partir de 75 ans ? En aucun cas, a rappelé le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) lors d’une conférence le 29 mars 2019. Les gynécologues appellent en effet à un meilleur suivi des femmes âgées pour éviter des centaines de décès : chaque année, 48% des 11.500 décès annuels par cancer du sein surviennent chez des femmes de plus de 75 ans.
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Un diagnostic trop tardif après 75 ans
Cette situation dérive de trois idées reçues, selon la professeure Carole Mathelin, responsable de la commission sénologie du CNGOF : "puisqu'il n'y a plus de dépistage organisé après 75 ans, c'est qu'il n'y a plus de risque", "les cancers du sein de la femme âgée sont moins graves" et "les femmes atteintes meurent d'autres maladies avant que le cancer n'ait le temps de se développer". Conséquence, de nombreux cancers dans cette tranche d’âge ne sont détectés qu’à un stade avancé (tumeur de taille importante, atteinte des ganglions, voire apparition de métastases). Cela représente une "perte de chance" certaine pour les patientes puisqu’un cancer diagnostiqué tardivement présente un moins bon pronostic.
Et la situation risque de s’aggraver dans les années à venir car "en 2030, la population comptera 20% de femmes de plus de 70 ans" rappelle le CNGOF. Ainsi, selon les projections de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), alors que le nombre de nouveaux cancers devrait reculer de 5% chez les femmes de moins de 70 ans d'ici 2040, il pourrait augmenter de 50% dans la tranche d'âge supérieure, à la faveur du vieillissement de la population.
"Trop vieilles pour qu’on les embête avec le dépistage" ?
Pour le CNGOF il est donc temps de changer la manière dont les patientes mais aussi le corps médical considèrent le dépistage du cancer du sein. En effet, du côté des soignants, l'idée que les femmes de plus de 75 ans sont "trop vieilles pour qu'on les embête avec [le dépistage du cancer du sein]" persiste, déplore le CNGOF. Et si cette règle peut valoir pour des femmes très âgées ou ayant déjà d'autres pathologies très lourdes, l'allongement de la durée de vie fait que l'examen clinique régulier, à savoir la palpation, et la mammographie conservent leur pertinence pour les femmes ayant encore plusieurs années d'espérance de vie, souligne la société savante des gynécologues-obstétriciens.
C’est pourquoi le CNGOF, en partenariat avec la Ligue contre le cancer, souhaite aujourd’hui sensibiliser patientes et médecins à la nécessité de poursuivre la surveillance après 75 ans, "parce que les femmes méritent que l’on sauve leurs seins et leurs vies à tout âge" insiste le Collège. Pour ce faire, les deux organisations lancent une campagne d’information, en envoyant notamment aux médecins généralistes une affiche avec le slogan "Trop vieille pour ça? Seuls les autres le croient".
Poursuivre la surveillance individuelle après 75 ans
Pour le moment, pas question d’augmenter l’âge limite du dépistage organisé. L’efficacité d’une telle mesure n’est en effet pas prouvée tandis que son coût serait très élevé. Mais attention à ne pas faire de confusion, met en garde le docteur Jean-Yves Seror, radiologue au Centre Duroc à Paris et membre de la commission sénologie du CNGOF : "ce n’est pas parce que le dépistage n’a pas fait ses preuves en tant que programme organisé de santé publique au-delà de 74 ans, qu’il faut en déduire son inutilité individuelle."
Et pour un suivi optimal des femmes de 75 ans et plus, le docteur Seror plaide pour une information officielle plus précise sur la persistance du risque de cancer. Il regrette en effet qu’à l’heure actuelle, à l'occasion de leur dernière convocation pour le dépistage organisé, les femmes concernées reçoivent un courrier stipulant uniquement qu'"après 74 ans, vous ne recevrez plus d'invitation régulière de notre part" et les invitant à se "rapprocher" de leur médecin traitant pour "déterminer la modalité de surveillance la plus adaptée". Une information qui apparaît aujourd’hui insuffisante et qui reste trop souvent prise à la légère.