Surdiagnostic du cancer du sein : le débat continue
Plus d’un million de femmes auraient été traitées inutilement contre un cancer du sein ces 30 dernières années aux Etats-Unis. C’est le résultat d’une étude publiée dans le New England Journal of medicine (NEJM) qui relance la controverse du surdiagnostic induit par le dépistage organisé du cancer du sein.
Pour mener cette étude, des chercheurs de la faculté de Darmouth et d’Oregon ont étudié des données épidémiologiques, c’est-à-dire des données statistiques regroupant des informations médicales de 10% de la population des Etats-Unis.
Ils ont constaté que depuis la mise en place d'un dépistage systématique par mammographie du cancer du sein, le nombre de cancers précoces dépistés avait doublé. En toute logique, le nombre de cancers du sein avancés aurait du baisser significativement pendant cette période. Or les chercheurs n’ont constaté qu’une baisse de 8% de ces cancers avancés.
Le surtraitement
Ainsi, l’équipe affirme que les mammographies systématiques n’ont pas permis de détecter efficacement les cancers avancés et ont conduit à traiter des femmes de manière excessive. Cela signifie que des femmes ont reçu des traitements lourds (ablation du sein, chimiothérapie, rayons) alors même que leurs tumeurs n’auraient pas posé de problème de leur vivant.
Les chercheurs concluent également que la forte baisse de la mortalité par cancer du sein n’était pas du à la mise en place du dépistage précoce de tumeurs mais à l’amélioration significative des traitements.
Cette étude s’ajoute à d’autres travaux publiés ces dernières années qui remettent en cause l’utilité des mammographies de contrôle systématisées. En d’autres termes, ils questionnent l’efficacité du dépistage de masse.
Pour le Dr Marc Espié, responsable du centre des maladies du sein à l’hôpital Saint-Louis à Paris, ces études épidémiologiques posent un problème car elles considèrent les femmes dans leur ensemble et ne prennent pas en compte les caractéristiques de chaque individu. Interviewé le 1er octobre dans le Magazine de la Santé, il déclarait : « On ne peut pas savoir quels « petits cancers » vont rester des « petits cancers » et ne pas évoluer, par rapport à ceux qui vont devenir des cancers avancés ». En l’état actuel des connaissances médicales, il est en effet impossible de prédire l’évolution d'une tumeur grâce à la mammographie.
En septembre 2012, l’association de consommateur UFC-que choisir a publié une enquête sur l’information donnée aux femmes concernant le dépistage organisé du cancer du sein. L’association réclame un débat public sur cette question et l’examen des nouvelles données scientifiques par un collège d’experts indépendants. En attendant, elle souhaite que la campagne d’incitation au dépistage soit plus objective pour permettre aux femmes de faire leur choix en toute connaissance de cause.