Cancer : une épreuve encore plus difficile pour les patients pauvres
Les patients pauvres sont les moins armés pour combattre le cancer. Ils doivent faire face à des difficultés financières et à une moins bonne communication avec les soignants, selon l’Observatoire sociétal de la Ligue contre le cancer.
Perte d’emploi, avance de frais, déménagement pour se rapprocher d’un hôpital… Les personnes les plus pauvres restent les moins armées pour combattre le cancer. C'est ce que souligne le 8e rapport de l'Observatoire sociétal de la Ligue contre le cancer, consacré au vécu des malades lors du "parcours de soins" (suspicion du cancer, annonce du diagnostic, traitements...), dévoilé le 20 novembre à l'occasion d'une journée organisée à Paris par la Ligue sur le bilan de dix ans de cet observatoire.
A lire aussi : Cancer : un patient sur trois se sent "abandonné" à la fin du traitement
Cumul de difficultés
"La paupérisation à laquelle aboutit le cancer est un phénomène qui n'a pas disparu (perte d'emploi, aidant obligé de moins travailler...) et c'est une difficulté supplémentaire pour qui n'a pas un matelas suffisant" pour faire face à ce parcours de plusieurs années, dit à l'AFP le professeur Axel Kahn, président de la Ligue.
Le vécu du parcours de soins est ainsi étroitement lié à la situation sociale des patients : ceux qui ont les revenus les plus faibles (moins de 1.500 euros par mois) cumulent les difficultés, selon l'enquête auprès de 2.649 personnes atteintes de cancers ou en rémission, entre août 2015 et octobre 2018.
"Les trois semaines d’hospitalisation m’ont mise sur la paille"
Dans le détail, les personnes les plus pauvres doivent souvent avancer des frais, notamment pour les examens diagnostiques, en attendant la prise en charge à 100% de l'affection de longue durée (ALD). Elles sont aussi davantage contraintes de déménager de façon temporaire pour se rapprocher de l'hôpital.
Selon cette enquête, 12% des patients gagnant moins de 1.500 euros par mois ont dû faire des avances de frais. Ils ne sont que 7% dans ce cas pour les revenus supérieurs. De même, 10% n'ont pas de complémentaire santé contre 2% parmi ceux qui disposent de plus de 1.500 euros. "Les trois semaines d'hospitalisation, et surtout les 18 euros quotidiens, m'ont mise sur la paille", témoigne une patiente dans ce rapport.
Moins d’échanges avec les soignants
La communication avec les soignants s'avère également moins bonne : 15% n'ont pas eu de réponse satisfaisante à leurs questions au moment de l'annonce contre 8% chez les plus aisés. Les échanges avec les soignants sur l'après-cancer sont également moins fréquents (53% contre 66%).
En outre, 31% des participants ayant les plus faibles revenus mensuels ont abandonné certaines démarches administratives fastidieuses, renonçant à certains de leurs droits.
Droit à l’oubli, perruques et prothèses dentaires
Globalement, il y a eu des progrès ces dernières années sur la prise en charge du cancer, comme par exemple la diminution de certains reste à charge et le soutien psychologique aux proches et aux aidants. Mais l'application en pratique du droit à l'oubli qui donne la possibilité d'obtenir un prêt bancaire une fois guéri pèche encore. A tel point que la Ligue propose un service spécial pour aider les personnes qui se sont heurtées à un refus, déplore le Pr Kahn.
Et il reste encore beaucoup à faire, comme "assurer une prise en charge des prothèses dentaires liées au cancer et des perruques en cheveu naturel, ou encore réviser les critères d'attribution du congé proche aidant indemnisé, pour que les personnes qui aident un malade du cancer puissent y accéder", énumère-t-il.
Financer les soins de support pour 200.000 personnes par an
La Ligue consacre chaque année cinq millions d'euros pour l'aide sociale de 12.000 familles. Elle finance également pour 10 millions d'euros des soins de support, notamment du sport adapté, de la socioeshétique, de la psychologie, des groupes de parole ou encore de la sophrologie pour 40.000 personnes pendant et après le cancer, selon le professeur Axel Kahn.
Mais actuellement, plus de trois millions de personnes vivent aujourd'hui en France avec un cancer, selon le ministère de la Santé. Dans le budget 2020 de la "Sécu" est prévue une enveloppe de 10 millions d'euros pour un forfait de soins remboursé pour l'accompagnement des patients après un cancer, comprenant un bilan psychologique, nutritionnel et de l'activité physique.
A l'échelle nationale, ces soins de support concerneront dans l'avenir 150.000 à 200.000 personnes chaque année. Ils nécessitent donc selon le professeur Kahn un financement "réaliste" et "sans doute plus large" que l'enveloppe annoncée par le gouvernement pour ce type de prestations.