Les boissons trop chaudes probablement cancérigènes (mais vous pouvez continuer de siroter votre café)
Il apparaît "probable" que la consommation régulière de boissons très chaudes (au-delà de 65 °C) augmente le risque de cancer de l’œsophage, selon une évaluation de l’agence du cancer de l’OMS, qui synthétise l’état des recherches scientifiques disponibles. Ce rapport n’établit toutefois pas l'importance de ce sur-risque. Cette synthèse conclut en outre que, consommés à des températures inférieures à ce seuil, aucun risque n’est identifié pour le café ou le maté.
À l'issue d'un travail de synthèse des données scientifiques actuellement disponibles, un comité de 23 experts du Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC/IARC) a rendu ce 15 juin un rapport sur les risques potentiels de la consommation de boissons chaudes et très chaudes.
Depuis plusieurs années, des études menées en Chine, en Iran, en Turquie et dans des pays d'Amérique du Sud – où le thé ou le maté sont traditionnellement bus très chauds (à environ 70° C) – laissent apparaître une corrélation entre le risque de cancer de l'œsophage et la température à laquelle la boisson est consommée. En d’autres termes, parmi les personnes qui consomment les boissons aux températures les plus élevées, on trouve une plus grande proportion de personnes atteintes de ces cancers. Si ce fait éveille les soupçons et peut suggérer un lien de cause à effet, celui-ci n’est pas formellement établi. Un effet biologique des hautes températures sur l’œsophage semble néanmoins plausible.
"Ces résultats laissent penser que la consommation de boissons très chaudes est une cause probable de cancer de l'œsophage et que c'est la température, plutôt que les boissons elles-mêmes, qui semble être en cause", a déclaré Christopher Wild, directeur du CIRC.
Selon les études analysées, le seuil à partir duquel on peut considérer que les boissons sont "très chaudes" – seuil à partir duquel la corrélation est détectable – est de 65° Celsius. En deçà, aucun sur-risque n’est identifié. Dans un communiqué du CIRC, l’épidémiologiste Dr Dana Loomis note que "les températures normales pour le café et le thé dans les pays européens et l'Amérique du Nord sont bien inférieures [à 65°C]. Le café et le thé sont souvent bus en dessous de 60 degrés".
Le cancer de l'œsophage est la huitième cause la plus fréquente de cancer dans le monde et l'une des principales causes de décès par cancer, avec environ 400.000 décès enregistrés en 2012 (5% de tous les décès par cancers).
Aucune raison d'arrêter l'expresso !
Plus largement, le rapport du CIRC a permis de réévaluer le niveau d’incertitude associé à la consommation de café. Jusqu’à présent, le CIRC la classait dans la liste des produits possiblement cancérigènes (groupe 2B, voir encadré), au vu de certaines données épidémiologiques.
Mais le principe même de la classification du CIRC est d’évoluer au fur et à mesure que des données nouvelles s’accumulent. Un produit soupçonné d’être cancérigène peut s’avérer, au terme d’enquêtes sérieuses et poussées, moins dangereux que ne le laissaient craindre initialement certains signaux.
Le café change donc de catégorie. Sur la base "de plus de 1.000 études chez l'homme et l'animal", les experts du CIRC annoncent qu’il n’y a actuellement "aucune preuve concluante d'un effet cancérogène" de la consommation courante de cette substance (groupe 3).
Le maté (une infusion traditionnelle consommée dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, ainsi qu’en Syrie et au Liban) subit un sort similaire : au vu des études épidémiologiques et des essais en laboratoire disponible, les experts jugent que s'il est bu froid ou à des températures inférieures à 65°C, aucun effet cancérogène n’est détectable.
[1] Pour une définition précise de ces catégories, se référer aux pages 24 et 25 du préambule officiel aux synthèses du CIRC (document uniquement disponible en anglais).
Le CIRC conduit régulièrement des revues de la littérature scientifique http://monographs.iarc.fr/ portant sur l’identification d’effets cancérogènes (exposition à diverses substances ou rayonnements, consommation d’aliments, etc.). Au vu des données disponibles, elle classe les sujets étudiés en cinq catégories. Le premier regroupe les substances dont il est formellement avéré qu’elles peuvent causer un cancer chez les humains ("cancérogènes certains"), le dernier recensant les substances pour lesquelles, en dépit d’études poussées, nul effet cancérogène n’a pu être mis en évidence chez l’être humain [1].
groupe 1 – l’agent est cancérogène pour l’être humain ;
groupe 2A – l’agent est probablement cancérogène pour l’être humain ;
groupe 2B – l’agent est peut-être cancérogène pour l’être humain ;
groupe 3 – l’agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’être humain ;
groupe 4 – l’agent n’est probablement pas cancérogène pour l’être humain (seule une substance étudiée est recensée dans ce groupe : le caprolactame) ;
La classification n'indique pas quel niveau de risque existe pour la santé. Par exemple, fumer du tabac appartient au groupe 1 des cancérogènes avérés, mais le classement n'indique pas quelle est l'augmentation du risque selon le nombre de cigarettes fumées. Au sein de ce groupe, le risque peut varier dans de proportions importantes.