Faut-il interdire les médicaments anti-Alzheimer ?
Le débat a été relancé par une alerte de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui signalait, en octobre 2015, des réactions cutanées graves chez des patients traités par galantamine. Cette molécule est prescrite pour traiter la maladie d'Alzheimer dans ses formes légères à modérément sévères, mais son utilité pose question.
Comme tous les matins à l'hôpital Paul-Brousse, à Paris, le Dr Christophe Trivalle sort les dossiers de ses patients pour faire un point sur les prescriptions. Dans ce service de gériatrie, 61 patients sont hospitalisés. Tous souffrent de troubles de la mémoire, pour la plupart liés à la maladie d'Alzheimer.
A ces malades, le Dr Christophe Trivalle propose systématiquement un des quatre médicaments anti-Alzheimer. Selon lui, "ces médicaments-là ont quand même montré dans les études une efficacité, au moins sur le fait de ralentir la maladie, de retarder la perte d’autonomie, et de retarder en partie le risque de rentrer en institution."
Des effets secondaires importants
Dans cette unité, seuls 20% des patients prennent des médicaments anti-Alzheimer. La faute aux effets secondaires pour le Dr Christophe Trivalle. "Certains malades ne les tolèrent pas du tout sur le plan digestif. Eventuellement, on en essaie un autre. Et si ça ne marche pas, on arrête et ils n'ont pas de médicament. Et puis on sait aussi le risque par rapport à la fréquence cardiaque qui peut être ralentie, mais essentiellement chez les malades qui ont un traitement de type bêtabloquants."
Une liste d'effets secondaires conséquente que l'ANSM vient encore d'allonger. Au mois d'octobre 2015, l'ANSM a transmis une lettre aux professionnels de santé avec un nouveau signalement : "Les laboratoires commercialisant des spécialités à base de galantamine souhaitent vous informer du risque de survenue de réactions cutanées graves chez les patients traités par galantamine".
La galantamine est une molécule dont l'efficacité est discutée depuis des années. Pas question pour autant pour le Dr Christophe Trivalle de ne plus les prescrire du tout. "Pour l'instant, ce sont les seuls traitements qui ont une efficacité sur la maladie d'Alzheimer. On est un peu coincé, on est un peu obligé de les utiliser et même si l'effet est modeste, c'est mieux que de ne pas les utiliser du tout."
Une prescription faute de mieux
Pour le Dr Madjid Fodil, pharmacien à l'hôpital Paul-Brousse, ces traitements comportent tout de même un avantage majeur : "Même si l'efficacité est discutée et que les effets indésirables peuvent être graves, il y a un meilleur suivi du patient quand on instaure un traitement."
Réévaluer les traitements, c'est le rôle de la Haute Autorité de Santé (HAS). En 2011, la Commission de la transparence pointait du doigt les quatre médicaments anti-Alzheimer sur le marché, jugés inefficaces. Conséquence : un taux de remboursement rabaissé à 15%.
Bruno Toussaint, directeur éditorial de la revue Prescrire, estime qu'"il y a encore beaucoup de personnes, y compris des spécialistes, qui sont encore dans le passé, qui surestiment encore les effets positifs de ces médicaments, qui sont en fait extrêmement minces et qui font que finalement il y a plus d'inconvénients que d'avantages. Ce sont des médicaments qui sont finalement plus dangereux qu'utiles." Un constat qui pousse la HAS à une nouvelle réévaluation de ces traitements. Certains spécialistes prônent leur interdiction. L'instance rendra ses conclusions au printemps.