Inutile d'augmenter sa consommation de café pour prévenir Alzheimer
Si le café peut donner un coup de fouet, il pourrait aussi avoir un effet protecteur contre les troubles cognitifs précoces qui précèdent la maladie d'Alzheimer. Mais à condition que la consommation soit régulière et modérée.
Pour l'heure, aucun traitement n'est capable d'enrayer la destruction progressive des neurones qui survient chez les malades d'Alzheimer. Il est donc primordial pour les chercheurs d'identifier les facteurs environnementaux (alimentation, tabagisme…) qui pourraient être liés à l'apparition de la maladie. Parmi eux, le café, qui est l'un des meilleurs stimulants de l'attention et du fonctionnement cognitif, est en bonne place. Ainsi, plusieurs études montrent qu'une consommation régulière mais modérée de caféine ralentit le déclin cognitif au cours du vieillissement et le risque de développer une démence.
Toutefois, peu d'études se sont penchées sur les effets à long terme de la caféine sur le fonctionnement des neurones. Des chercheurs italiens de l'université de Bari et du laboratoire de gérontologie et de gériatrie de San Giovanni Rotondo ont voulu savoir si le fait de modifier ses habitudes en terme de consommation de café pouvait influencer l'apparition de troubles cognitifs légers. Ces troubles touchent le langage, la mémoire, l'attention ou encore les repères spatio-temporels. Bien que leur impact sur la vie quotidienne soit modéré, ils font partie des signes avant-coureurs de la maladie d'Alzheimer.
Une ou deux tasses par jour, pas plus
Les chercheurs ont analysé la consommation de café de 1445 personnes âgées de 65 à 84 ans ne présentant aucun trouble cognitif au début de l'étude. Après un suivi médian de trois ans et demi, ils ont alors mesuré le taux d'apparition de troubles cognitifs légers dans la population étudiée.
Leurs résultats, publiés le 28 juillet dernier dans la revue Journal of Alzheimer’s Disease montrent qu'il ne sert à rien de modifier sa consommation journalière de café, bien au contraire. Ainsi, les personnes qui augmentent avec le temps leur consommation de café de plus d'une tasse par jour ont un risque de développer des troubles cognitifs légers deux fois plus élevé que ceux qui réduisent leur consommation journalière d'une tasse, et 1,5 fois plus élevé que ceux qui maintiennent leur consommation à une tasse par jour.
Toutefois, les chercheurs ont validé les effets protecteurs du café. Leurs données indiquent que les personnes qui ne boivent jamais ou très rarement du café ont 1,5 fois plus de chances de développer des troubles cognitifs légers que les personnes qui consomment 1 ou 2 tasses de café par jour. Pour lutter contre l'apparition des troubles cognitifs, mieux vaut donc consommer régulièrement ses 1 ou 2 tasses par jour et ne pas déroger à cette règle.
Dans le café, le trop, c'est comme le pas assez
Plusieurs hypothèses ont été émises par les chercheurs pour expliquer leurs résultats. La caféine a la particularité de mimer l'adénosine, une petite molécule qu'on trouve notamment dans le cerveau. La caféine se fixe ainsi à la place de l'adénosine sur de petits récepteurs qui lui sont destinés dans leurs neurones. Sans fixation de l'adénosine, ses effets sont bloqués.
Ce qui est plutôt une bonne chose dans le cas de la maladie d'Alzheimer : une forte activité de l'adénosine et de son récepteur favoriseraient certains mécanismes de la maladie, telles que l'accumulation des plaques amyloïdes qui provoquent des lésions des neurones. En prenant la place de l'adénosine sur son récepteur, la caféine réduirait donc les dommages sur les cellules nerveuses.
Il est alors tentant de se dire que boire une cafetière par jour suffit à limiter le développement de la maladie d'Alzheimer. Mais l'étude semble indiquer le contraire. Pour expliquer ce résultat, les auteurs de l'étude avancent l'hypothèse suivante : à forte dose la caféine peut bloquer tous les récepteurs de l'adénosine, limitant fortement son action. Or un certain taux d'adénosine est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de la mémoire. Une activité trop basse de l'adénosine, tout comme une activité trop élevée, pourrait donc entraîner, à terme, des troubles cognitifs.
Toutefois, les auteurs insistent sur le fait que d'autres études sont nécessaires pour comprendre les différents mécanismes neuroprotecteurs associées à la caféine et mettre au point un traitement qui mime ses effets. D'après eux, la consommation régulière de café pourrait également être un indicateur d'une vie sociale riche : on a plus tendance à boire le café à plusieurs que tout seul. Or, le simple fait de bavarder autour d'une tasse entretient bien mieux les capacités intellectuelles que le café lui-même.