Troubles "dys" : diagnostics tardifs et difficultés de prise en charge
Ces troubles, qui se traduisent par de sévères difficultés d'apprentissage, concernent près de 8% des enfants d'âge scolaire, selon l'Académie de médecine.
Les troubles de l'apprentissage de la lecture, la dyslexie, du développement moteur, la dyspraxie ou encore des activités numériques sont mieux connus aujourd'hui mais leur détection, le plus souvent à l'école, est inégale, et leur prise en charge encore tardive.
"Il y a des progrès mais cela reste très lent en France, comparé par exemple au Royaume-Uni", déclare à l'AFP Vincent Lochmann, président d'honneur de la fédération française des "dys" (ffdys), qui organise lundi la 10ème journée des "dys".
C'est souvent à l'école que se manifestent ces troubles de l'apprentissage. Dès deux ou trois ans pour la dysphasie, vers la fin du CP pour la dyslexie, un peu plus tard pour la dysorthographie.
Des troubles nombreux et divers
La dyslexie est le trouble le plus connu : elle désigne l'altération spécifique et significative de la lecture. Souvent associée à la dysorthographie, qui handicape la production d'écrits et l'orthographe, elle "entraîne une lecture hésitante, ralentie, émaillée d'erreurs, qui a pourtant exigé beaucoup d'efforts", selon la fédération française des "dys" (Ffdys), qui organise ce 10 octobre 10ème journée des "dys".
La dysphasie est, elle, un trouble du développement du langage qui se manifeste par des problèmes de syntaxe, une expression par mots isolés et une difficulté de compréhension de ce qui est transmis oralement.
La dyspraxie est trouble du développement moteur et des fonctions visio-spatiales, qui se traduit chez les enfants par des difficultés à s'habiller, se moucher, se servir à boire, utiliser une clé, etc. La dyscalculie désigne, pour sa part, une incapacité à comprendre et utiliser les nombres. La Ffdys ajoute à ces troubles "dys" les troubles d'attention, avec ou sans hyperactivité, et les troubles de la mémoire, qui apparaissent chez l'enfant vers cinq ou six ans.
Sensibiliser les enseignants en priorité
Tous les enseignants ne sont pas sensibilisés à ces problématiques, regrette M. Lochmann. On ne leur demande pas d'établir un diagnostic – ce n'est pas leur rôle – mais de signaler que tel enfant a des difficultés dans les apprentissages élémentaires.
Même si l'enfant a été "repéré", la prise en charge est souvent tardive en raison du manque de médecins scolaires et surtout de pôles de santé dédiés, qui regroupent les spécialistes appelés à intervenir en cas de troubles sévères ou complexe : médecin, orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien, etc.
Les enfants souffrent souvent de plusieurs de ces troubles simultanément. Des structures existent en France, telles que Resodys à Marseille ou Delta 01 dans l'Ain, "mais elles sont en nombre insuffisant", souligne la Ffdys. De même, des établissements scolaires ont mis en place des dispositifs spécifiques pour ces enfants "dys", mais la demande dépasse l'offre. L'académie de Toulouse a, quant à elle, mis en ligne sur son site un "Guide ressources pour les parents".
Des mesures pour éviter l’échec scolaire
Il est capital de mettre en oeuvre des "solutions de remédiation" le plus rapidement possible, pour que l'enfant ne décroche pas scolairement. Avec un suivi coordonné, ces troubles peuvent disparaître lorsque l'enfant grandit mais les troubles sévères peuvent persister. Il existe des outils, informatiques par exemple, et l'apprentissage de "stratégies" pour que le jeune "compense" son handicap.
Certains parviennent ainsi à des niveaux de formation élevée, explique Vincent Lochmann, qui cite l'exemple du directeur informatique d'une grosse entreprise française, sévèrement dyslexique. Ce "brillant professionnel" évite cependant de prendre des notes lorsqu'il est en réunion, ajoute M. Lochmann. Car s'ils sont mieux connus du grand public, les troubles "dys" et la difficulté des relations avec la lecture ou l'écriture qu'ils entraînent "restent une maladie honteuse".
Des troubles qui véhiculent de nombreux préjugés
Les troubles "dys", qui ne sont pas dus à une déficience intellectuelle, des problèmes psychiatriques ou un environnement socioculturel défavorisé, sont source de souffrance chez l'enfant et sa famille, ou chez l'adulte, et peuvent provoquer un repli sur soi, voire une dépression.
"Les nombreux échecs dans leur prise en charge sont responsables d'inadaptation sociale et professionnelle chez des enfants d'intelligence pourtant normale", note l'Académie de médecine.
La fédération française des "dys" regrette que les programmes de lutte contre l'illettrisme et le décrochage scolaire (110.000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme chaque année) ne prennent pas en compte ces questions de repérage de troubles de l'apprentissage, alors que ces domaines se recoupent. "Dans les quartiers défavorisés, les difficultés sociales masquent les difficultés d'apprentissage", déplore Vincent Lochmann. "Il existe une véritable inégalité territoriale et sociale. Selon l'endroit où vit l'enfant et le milieu d'où il est issu, ils sera repéré, diagnostiqué, accompagné. Ou pas".
Dans une communication de septembre 2015, l'Académie nationale de médecine évaluait la fréquence des troubles "dys" à "environ 8% des enfants d'âge scolaire". La recherche progresse mais l'origine de ces troubles reste encore mal comprise.