Diabète : le sodium favoriserait l'absorption du glucose dans l'intestin
Les patients obèses diabétiques qui ont recours à la chirurgie bariatrique voient leur indice glycémique réduire rapidement après l'intervention, indépendamment de toute perte de poids. Certains patients devenus diabétiques au fil de plusieurs décennies (diabète de type 2) ont ainsi pu abandonner leurs traitements quelques semaines après l'opération. Plusieurs mécanismes pouvant expliquer ce phénomène ont récemment été décrits par des biologistes. Une nouvelle publication scientifique vient éclairer la situation d'une lumière très inattendue. Selon ses auteurs, elle pourrait conduire à de nouvelles préconisations diététiques pour l'ensemble des diabétiques.
La chirurgie "by-pass" consiste à réduire par dix la partie de l'estomac qui reçoit les aliments, soit par la pose d'agrafes, soit en réalisant une découpe de l'estomac. Cette petite poche d'estomac est directement reliée à l'intestin. Le reste de l'estomac, qui continue à produire des sucs digestifs, est également relié à l'intestin, pour aider à la digestion. L'objectif est d'atteindre rapidement la satiété, sans trop perturber l'assimilation des nutriments.
Ce type de chirurgie non-réversible est de plus en plus proposée aux patients obèses diabétiques. L’objectif premier est de réduire le taux de cellules graisseuses, car celles-ci produisent des molécules inflammatoires favorisant la résistance à l'insuline (les cytokines). Mais des travaux menés depuis le début de la décennie montrent que la correction du diabète s’initie quelques jours seulement après la sortie de l'hôpital… c'est-à-dire avant même la perte de poids. Le phénomène, intriguant, fait l’objet de nombreuses recherches. De récents travaux français ont ainsi mis en évidence, chez la souris, l’un des mécanismes vraisemblablement en jeu dans le cas du by-pass gastrique : l’intestin nouvellement remodelé détournerait le glucose alimentaire et sanguin pour sa propre consommation.
Un nouveau mécanisme pourrait avoir été identifié par une équipe de recherche, coordonnée par le chercheur lillois François Pattou. Des by-pass ont été réalisés sur des "mini-porcs" (dont la physiologie digestive, proche de celle de l’homme, est bien connue des biologiste, voir encadré). Ils ont découvert après une chirurgie by-pass, que le glucose ne franchit la paroi intestinale pour pénétrer dans l’organisme que dans la partie basse de l’intestin, et uniquement après avoir été mélangé à la bile. Ce liquide digestif, sécrété par le foie, se concentre dans la vésicule biliaire, à la sortie de l’estomac.
En cas de by-pass gastrique, le mélange de bile et de sucs digestifs n’interagit avec le glucose qu’au niveau du point de raccord avec l’intestin.
L'absorption de sucre dépendrait simplement de la présence… de sodium !
En menant leurs expériences sur le mini-porc, les chercheurs ont découvert qu’il était possible de forcer le glucose à être absorbé dans la partie haute de l’intestin. À en croire les données de leur étude, la recette est simple : ajouter du sodium au repas des animaux. Le même sodium qui entre dans la composition… du sel (chlorure de sodium).
D'autres expériences semblent confirmer que la majorité de l’absorption du glucose, par l’intestin, est habituellement liée à la présence de sodium dans nos sucs digestifs.
"[Notre] étude identifie de nouvelles voies pour mimer les effets de la chirurgie bariatrique en réduisant l’assimilation du glucose au niveau de l’intestin", écrivent les chercheur en conclusion de leur étude. "Nos résultats [invitent à explorer] des interventions alternatives, d’ordre diététique ou pharmacologique, pour prévenir ou traiter le diabète de type 2, [par exemple] en réduisant l’intégration simultanée de glucose et de sodium, en modulant de la circulation du sodium [apporté par les sucs digestifs], ou [en limitant le du transport du glucose au niveau de l’intestin]."
Source : Bile Diversion in Roux-en-Y Gastric Bypass Modulates Sodium-Dependent Glucose Intestinal Uptake. Baud et al, Cell Metabolism, publication avancée en ligne du 25 février 2016. doi:10.1016/j.cmet.2016.01.018
"Le mini-porc est un animal proche de l'homme à la fois par sa taille car ce sont des animaux qui font presque 60 kilos et qui sont proches également par leur anatomie qui est exactement identique à celle de l'homme", a souligné auprès des journalistes du Magazine de la santé le Dr Grégory Baud, chirurgien digestif, co-auteur de ces travaux.
"Et du coup, cela permet de reproduire les interventions chirurgicales qu'on est amené à effectuer en pratique courante à l'hôpital."