L’ONU préconise moins de répression pour les usagers de drogues
L’ONU organise du 19 au 21 avril une session extraordinaire consacrée au "problème mondial de la drogue". Au cœur des débats : l’évolution des politiques relatives aux usagers de drogues. De nouvelles recommandations ont été adoptées au premier jour des débats, mettant l’accent sur la nécessité de prévention et de traitement, plutôt que sur la répression.
Lors d'une session spéciale de l’Assemblée générale de l’ONU, la directrice de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) Margaret Chan a préconisé "d'élargir les politiques de lutte contre la drogue qui se concentrent presque exclusivement sur l'application de la justice criminelle, en adoptant une approche de santé publique".
Elle a cité en exemple Hong Kong qui a instauré des programmes de substitution utilisant la méthadone pour réduire la petite criminalité. "On peut aider les gens dépendants à la drogue à reprendre une vie productive et à se réinsérer dans la société", a-t-elle estimé.
Les présidents du Guatemala et du Mexique – qui avec la Colombie sont parmi les pays les plus touchés par ce fléau et avaient réclamé cette réunion – sont allés dans le même sens. Pour le président guatémaltèque Jimmy Morales, il convient désormais de "donner la priorité à une approche centrée sur la santé publique et non plus sur des réponses purement punitives". "Un des plus importants changements à effectuer est de donner la priorité à la réduction de la demande, plutôt que de se focaliser sur la réduction de l'offre", a-t-il ajouté.
Selon l'OMS, quelque 27 millions de personnes dans le monde sont dépendantes de la drogue et plus de 400.000 en meurent chaque année. La consommation de drogue par injection contribue à 30% des nouvelles infections par le virus du sida en dehors de l'Afrique et propage les hépatites B et C.
Lutter contre le trafic en réduisant la demande
Pour le président mexicain Enrique Peña Nieto, "la prétendue guerre contre la drogue qui a commencé dans les années 70 n'a pas réussi à ralentir la production, ni le trafic qui reste une des activités criminelles les plus lucratives, ni la consommation de drogue". "Les pays consommateurs", a-t-il ajouté, "doivent faire davantage pour réduire la demande et lutter contre le crime organisé transnational".
Enrique Peña Nieto a prôné "des mécanismes de prévention et des solutions thérapeutiques intégrées", ainsi que "des peines proportionnées et des solutions alternatives à l'emprisonnement" en cas de délit.
De leur côté, le Brésil, le Costa Rica, le Canada, la Suisse, l'Uruguay et l'Union européenne ont appelé à abolir la peine de mort pour les délits liés à la drogue, ou au moins à établir un moratoire sur les exécutions pratiquées par dizaines en Chine, Iran ou Indonésie. Le représentant indonésien, s'exprimant aussi au nom de plusieurs autres pays (Singapour, Arabie saoudite, Chine, Iran, Pakistan, Egypte, Soudan) a rétorqué que chaque Etat avait "le droit souverain de décider de son système judiciaire".
Un texte commun présenté ce 19 avril a été adopté par l’assemblé. Mis au point à Vienne en mars, ce texte ne fait aucune référence à la peine de mort. Il se contente d'inviter les gouvernements à "promouvoir […] la mise en place de politiques nationales […] prévoyant l'imposition de peines proportionnées à la gravité des infractions".
Pour Ethan Nadelmann, qui dirige l'ONG Drug Policy Alliance, le nouveau texte de l'ONU "marque une amélioration notable" mais il reste "limité et décevant". "Ceux qui voulaient maintenir le statu quo, notamment les Russes et leurs alliés, ont gagné les batailles les plus importantes au cours des négociations", a-t-il expliqué.
Dépénaliser les usages encouragerait-il la production ?
Lors des premiers débats, le Pakistan s'est pour sa part inquiété de la tendance à une dépénalisation de l'usage du cannabis. "Cela stimulerait la demande de drogue et donc encouragerait la production avec des effets directs sur notre région", a affirmé le ministre pakistanais de l'intérieur et du contrôle des drogues Chaudhry Nisar Khan.
Le ministre chinois de la sécurité publique Guo Shengkun s'est lui aussi déclaré opposé "à toute forme de légalisation des drogues".