Gynéco-obstétriciens et sages-femmes : la guerre est déclarée ?
La récente campagne de communication valorisant les compétences des sages-femmes auprès du grand public a provoqué de vives réactions chez les gynécologues dans un communiqué de presse co-signé par six syndicats de gynécologues publié mardi 28 juin. Explications.
Violente réaction des gynécologues après la récente étendue des compétences des sages-femmes (voir encadré) et le lancement de la campagne par le gouvernement "Six bonnes raisons de consulter une sage-femme". Les voix de six syndicats de la profession se sont élevées, dans un communiqué de presse publié le 28 juin, contre ce qu’ils considèrent comme une tentative d’assimiler le métier de sage-femme à celui de gynécologue. Les médecins disent s'inquiéter de l'impact négatif sur la surveillance médicale des femmes de cette incitation gouvernementale à consulter directement des sages-femmes.
Ces dernières n'avaient pas souhaité répondre à leurs précédentes attaques. Cette fois, elles ont décidé de réagir et se sont déclarées profondément attristées. "Les propos corporatistes de ce communiqué et ces querelles ne mènent à rien, nous devons travailler ensemble pour la santé des femmes et c’est d’ailleurs ce qui se passe en général sur le terrain", explique Marie-Josée Keller, présidente du Conseil de l'Ordre des sages-femmes.
Un accès aux soins facilité ?
La campagne présente ces nouvelles compétences des sages-femmes comme un accès aux soins gynécologiques facilité pour les femmes en bonne santé dans les déserts médicaux.
"Le gouvernement ne peut pas suggérer aux patientes dans une campagne de communication qu’une sage-femme et qu’un gynécologue font le même métier. On ne peut pas mettre les deux professions au même niveau en terme d’accès aux soins", explique le Dr de Rochambeau, président du Syndicat National des Gynécologues et Obstétriciens de France (SYNGOF).
Les sages-femmes sont spécialistes de la physiologie de la femme. Elles sont formées à la prise en charge des patientes qui ne présentent aucune pathologie ou facteur de risque susceptible d’influencer la prise de décision dans le suivi gynécologique, la contraception, la grossesse ou l’accouchement. Elles adressent leurs patientes à un gynécologue dès que la situation devient pathologique.
"La campagne mentionne bien que notre suivi s’adresse aux femmes en bonne santé. Nous ne voulons pas dépasser notre champ de compétences. Une patiente atteinte d’un lupus, d’une sclérose en plaques ou d’hypertension artérielle sera immédiatement adressée à un gynécologue", explique Marie-Josée Keller.
Elle précise que pour des femmes en bonne santé, ces mesures peuvent faciliter l’accès à la contraception et à l’IVG médicamenteuse. Cela permet de raccourcir le délai d’attente, souvent long, des rendez-vous dans une situation où le temps compte (pas plus de sept semaines d'aménorrhée) dans certaines zones sous-dotées en gynécologues. "L'installation des sages-femmes est régulée. Dans les zones sur-dotées, elles peuvent s'installer mais ne sont pas conventionnées avec l’Assurance-maladie et des aides à l'installation sont données dans les zones sous-dotées. Cela peut favoriser leur installation dans les endroits où l’accès aux soins est le plus difficile", conclut Marie-Josée Keller.
Les situations pathologiques
Pour le Dr de Rochembeau, le problème ne réside pas dans ces cas facilement identifiables. Parfois la limite est floue entre le physiologique et le pathologique ou bien la pathologie peut apparaître pendant le suivi. Il faut alors pouvoir la détecter. "On peut faire de la place aux sages-femmes en ville, en libéral, mais il faut que les patientes sachent que le suivi gynécologique complet requiert la connaissance de la pathologie, ce que les sages-femmes n'ont pas dans la même mesure que des médecins", précise-t-il.
Les sages-femmes libérales peuvent, après avoir obtenu une accréditation, pratiquer en solo des accouchements normaux dans des maisons de naissance. Celles-ci sont situées à proximité des maternités des hôpitaux ou des cliniques pour permettre un transfert de la mère et du bébé et l'intervention d'un gynécologue si la situation se complique. Ce sont elles qui réalisent 80% des accouchements normaux en France.
Le Dr de Rochambeau évoque cependant les cas, où malgré une grossesse et un suivi clinique normaux, la situation devient problématique et requiert l’intervention des gynécologues obstétriciens. "Dans le cas des accouchements en salle de naissance, rien n’est préparé, il faut trouver une équipe médicale et un bloc disponible. Le délai de transfert et de réflexion face au dossier inconnu peut être une perte de temps précieux susceptible d’être délétère pour la mère et le bébé, surtout en cas d’hémorragie, explique-t-il, c'est en ce sens que nous disons qu’une telle campagne de communication peut nuire à la santé des femmes."
Mise en concurrence au lieu d'une collaboration organisée
Il est précisé sur l'un des supports de communication de la campagne que les sages-femmes pratiquent peu de dépassements d’honoraires. Selon les syndicats de gynécologues, par ces mesures, le ministère de la Santé a pour but de "monter ces deux professions l'une contre l'autre" et d'accentuer la concurrence entre deux métiers distincts et complémentaires.
Le président du SYNGOF déplore que le ministère de la Santé n'ait pas organisé une concertation pour mettre au point un parcours de soins gynécologique balisé où les deux professions auraient leur place, selon un protocole particulier garant de la sécurité des patientes.
Compétences historiques des sages-femmes
- Préparation à l’accouchement et suivi de grossesse
- Réalisation d’accouchements normaux
- Suivi de la mère et du bébé après un accouchement normal
- Rééducation périnéale
Depuis 2009 :
- Assurer le suivi gynécologique des femmes en bonne santé (contraception, frottis)
- Prescrire la contraception pour les femmes en bonne santé
- Prescrire un arrêt de maladie préventif pendant la grossesse
Depuis juin 2016 :
- Pratiquer une IVG médicamenteuse assortie d'un arrêt de travail si nécessaire
- Vacciner l'entourage du bébé pour protéger de la coqueluche, par exemple
- Prescrire des substituts nicotiniques pour diminuer l'exposition passive du bébé tabac