Maladie de Crohn : des douleurs abdominales insupportables
120.000 personnes en France souffrent de la maladie de Crohn, responsable de douleurs abdominales et de diarrhées. Si l'origine reste mal connue, la prise en charge a été améliorée grâce aux biothérapies.
270.000 patients souffriraient d'une maladie inflammatoire chronique des intestins (MICI), d'après l'Observatoire national des MICI. Parmi eux, plus de 120.000 seraient atteints d'une maladie de Crohn.
Cette maladie peut toucher n'importe quelle partie du tube digestif, depuis la bouche jusqu'à l'anus. Mais elle affecte le plus souvent le gros intestin, ou côlon, et/ou la partie terminale de l'intestin grêle.
Il s'agit d'une maladie inflammatoire, c'est-à-dire que le système de défense de l'organisme s'emballe de manière tout à fait inhabituelle. Alors qu'il est normal que notre intestin héberge un grand nombre de bactéries, ces dernières sont même bénéfiques pour terminer notre digestion. Chez les malades atteints de la maladie de Crohn, le système immunitaire se retourne contre une de ces bactéries et cherche à l'éliminer.
Quels sont les symptômes de la maladie de Crohn ?
Cette inflammation du tube digestif évolue par poussées, avec exacerbation des symptômes, comme de nombreuses douleurs digestives, notamment des spasmes et des brûlures abdominales, que les traitements ne parviennent pas toujours à soulager. La maladie de Crohn est aussi responsable de fortes diarrhées, d'une fatigue, d'une perte d'appétit, de nausées, de vomissements et d'un amaigrissement important.
Fissures et fistules anales sont fréquents. Des écoulements de glaire ou de sang par l'anus sont aussi possibles. Enfin, des atteintes des articulations, des yeux ou des muqueuses et une pâleur liée à une anémie par carence en fer figurent aussi parmi les symptômes de la maladie.
Les causes de la maladie de Crohn, encore mal connues
La maladie de Crohn n'est pas héréditaire mais il y a une prédisposition génétique. Une mutation génétique et un certain type de mycobactérie prédisposeraient à la maladie. 20 % des malades en effet auraient une mutation dans le gène NOD2 d'après l'association AFA. Or ce gène a la fonction de reconnaître les bactéries et de "lancer un signal de combat" contre elles.
Si on ne connaît pas la cause de la maladie, les scientifiques ont tout de même un indice : il se pourrait que cette pathologie soit liée au mode de vie occidental. La maladie de Crohn est en effet plus fréquente dans les pays du Nord que dans ceux du Sud, et plus fréquente dans les pays industrialisés. Ainsi, selon des études de la population, dix ans après leur arrivée au Royaume-Uni, des Sri Lankais émigrés auraient un risque de développer la maladie équivalent à celui des Anglais. L'impact négatif du tabagisme est également démontré.
Quelle alimentation quand on a une maladie de Crohn ?
Le régime alimentaire joue un rôle primordial dans les symptômes de la maladie de Crohn. Chaque personne qui souffre de cette maladie peut avoir des sensibilités différentes et il est conseillé d'identifier les aliments et les boissons qui favorisent les douleurs et les poussées inflammatoires, pour les éliminer ou les réduire.
Mais même pendant les phases de poussée, il est primordial de conserver le plaisir de manger et de veiller à bien s'alimenter. D'une manière générale, pendant ces crises, il faut favoriser les aliments faciles à digérer pour limiter les douleurs et l'inconfort intestinal. Consommez uniquement des fruits cuits, mixés et épluchés, éventuellement sous forme de compotes ou de gelées.
Consommez les légumes cuits, sans peau ni pépins. Optez pour des céréales raffinées (pain blanc, pâtes blanches, riz blanc, semoule), des viandes et poissons maigres, des oeufs durs, des biscuits secs et des fromages à pâte dure (gruyère, comté, cantal, mimolette...).
En dehors des phases de poussée, les fruits et légumes crus, les céréales raffinées et les légumineuses peuvent être consommés selon la tolérance de chacun.
Côté boisson, pendant les douleurs, consommez uniquement de l'eau plate, des jus végétaux, des jus de fruits et légumes centrifugés, des tisanes et des infusions. Les jus de fruits maison, les nectars de fruits, le thé et le café peuvent être consommés en période d'amélioration des symptômes digestifs.
Maladie de Crohn : les traitements
Aucun traitement ne parvient à guérir de la maladie de Crohn, mais des traitements ralentissent la fréquence des poussées et permettent d'obtenir une rémission.
En 2019, selon les recommandations en vigueur, le traitement repose sur les corticoïdes (notamment le budésonide hormis pour la forme colique étendue) durant les poussées, qui calment l'inflammation, et sur les immunosuppresseurs qui régulent l'activité de la maladie (c'est ce que l'on appelle un traitement de fond, donné sur le long cours). Ils peuvent être donnés par comprimés ou par voie rectale (suppositoire). Dans ce dernier cas, on utilise habituellement de l'azathioprine dans les formes moins sévères.
L'essor des biothérapies
Elles sont indiquées dans les formes plus sévères ou en seconde intention après échec de l'azathioprine, des biothérapies ou "anti-TNF". Il s'agit de l'infliximab et de l'adalimumab dans la maladie de Crohn, et de l'inflixumab, de l'adalimumab et du golimumab dans la rectocolite hémorragique. Associer une biothérapie et de l'azathioprine est également possible.
Depuis 2014, une nouvelle biothérapie a été mise sur le marché, et les résultats sont très prometteurs : le nom de cette molécule, c'est le vedolizumab. Cette thérapie nécessite un suivi médicalisé en hôpital de jour pour éviter les complications et surveiller les effets secondaires. Elle est indiquée en cas d'échec des traitements habituels des MICI. Tout comme l'ustékinumab. Plus l'arsenal thérapeutique est riche, plus il permet de proposer une alternative aux patients en échec thérapeutique.
La recherche dans les MICI
En ce qui concerne la recherche dans ce domaine, les travaux dans les laboratoires ciblent principalement la flore intestinale. La première piste est d'identifier quelle est la bactérie qui provoque la réaction immunitaire. Cette piste revient à chercher une aiguille dans une botte de foin, sachant qu'il y a plus de bactéries dans l'intestin que de cellules dans notre corps... Une bactérie, appelée Faecalibacterium prausnitzii (F. prau), aurait une action anti-inflammatoire très intéressante à développer pour lutter contre la maladie.
Une autre recherche consiste à trouver comment détruire spécifiquement les bactéries en cause dans la maladie. Pour cela, les chercheurs comptent sur un outil précieux : les phages, des virus qui s'attaquent de manière très ciblée à certaines bactéries.
D'autres pistes de recherche se tourne vers une meilleure compréhension des causes, ainsi que vers la mise au point de médicaments plus spécifiques à la maladie de Crohn, qui auraient pour but d'empêcher l'emballement du système immunitaire. Malheureusement, aujourd'hui, les traitements utilisés ont beaucoup d'effets secondaires. Ceux qui permettent au système immunitaire d'être moins agressif rendent en effet les patients plus sensibles aux infections en général. Les corticoïdes, qui sont de puissants anti-inflammatoires, sont aussi utilisés pendant les crises aiguës.
Maladie de Crohn : l'opération
Dans les formes sévères de la maladie de Crohn ou de la rectocolite hémorragique, il arrive que les médicaments échouent ou qu'il y ait une complication grave comme une occlusion par exemple.
Dans ce cas, la seule solution est chirurgicale : il faut enlever les parties de l'intestin les plus endommagées puis rétablir le circuit digestif après la coupe.
Maladie de Crohn : prévenir la récidive post-opératoire
Mais après une opération, la maladie peut néanmoins récidiver dans une autre partie de l'intestin.
"Pour qu'une maladie de Crohn se développe, il faut qu'il y ait plusieurs éléments favorisants. Il y a un terrain génétique, il y a des facteurs environnementaux qui vont probablement influencer la réponse immunitaire ou la composition des microbes. Ce sont donc des scénarisos assez complexes qui conduisent à la rechute", explique le Pr Matthieu Allez, gastro-entérologue.
Pour prévenir la récidive post-opératoire, les médecins recommandent de débuter un traitement avant que les symptômes ne réapparaissent. Pour comprendre les causes des récidives, une étude clinique englobant 350 patients est réalisée. Connaître les facteurs favorisant la récidive post-opératoire permet d'adapter la prise en charge. Selon une récente étude de l'AP-HP, il s'agit du "tabagisme, d'un antécédent de résection intestinale, de l’absence de traitement prophylactique, de la présence d' abcès et/ou fistule, ou d'un granulome sur la zone retirée lors de l'intervention". Le traitement initié dépendra du niveau de risque de récidive du patient, déterminé grâce à ces critères.
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Ailleurs sur le web
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· La Société Nationale Française de Gastro-Entérologie (SNFGE)
· L'Institut national pour la santé et la recherche médicale (Inserm)