Après la pollution et les morts, le temps du procès pour l’incinérateur de Vaux-le-Pénil
L’incinérateur de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne) a intoxiqué pendant près de 30 ans les habitants de Maincy à cause de ses rejets de dioxines. Fin du procès aujourd'hui.
Ils ont appris à redouter le vent, porteur de cendres. Les quelque 1.700 habitants de la commune de Maincy, en Seine-et-Marne, ont vécu 28 ans à l’ombre de l’incinérateur de Vaux-le-Pénil. Une dizaine d’entre eux sont morts d’un "lymphome non hodgkinien" selon les avocats Pierre-Olivier Sur et Agathe Blanc. Leurs clients sont les 165 parties civiles du procès qui se tient depuis mardi 5 décembre et qui met en cause l’agglomération de Melun.
Les cancers, dont souffrent encore une dizaine de Maincéens, auraient été provoqués par des dioxines, rejetées par les fumées de l’incinérateur. Sous les vents dominants et construit au fond d’une cuvette à 50 kilomètres de Paris, le village a subi presque chaque jour, de 1974 à 2002, la pollution causée par l’entreprise. Une souillure mortelle.
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Partie civile, Isabelle Duflocq s’est souvenue avec émotion, lors de l’ouverture du procès devant le tribunal correctionnel de Paris, des étapes de la descente aux enfers de la petite commune. Il y eut rapidement de "petits signes", "les cendres sur les tables des jardins, sur le linge accroché aux fils". Puis "des voisins touchés par le cancer". "Comme partout", mais les statistiques l'interpellent : "Dans la rue de ma maman, toutes les maisons des familles qui vivaient là à mon époque ont été touchées."
Des dioxines dans les œufs et le lait
Les dioxines se fixent dans les graisses, comme le lait ou les œufs, pour ensuite contaminer les êtres humains. Citée par le Monde, Isabelle Duflocq rappelle ces passages terribles où il a fallu "casser les œufs" et "laisser mourir les poules". "On avait tous des potagers, des vergers, des poules, des lapins, poursuit-elle. Pour les anciens, il ne s’agissait pas d’être écolos mais de nourrir leurs enfants et petits-enfants, et aujourd’hui, ils portent la responsabilité de les avoir empoisonnés."
Le lait maternel présente lui aussi des risques… au malheur de Danièle Crozes, habitante citée par l’AFP, qui dit ainsi son "sentiment de culpabilité" d'avoir "aggravé l'imprégnation" de son enfant en l'allaitant.
S'il est établi qu'une exposition aux dioxines peut favoriser l'apparition de cancers, l'agglomération de Melun, seule prévenue dans ce procès, n'est pas jugée pour homicides ou blessures involontaires, en l'absence de lien de causalité formel établi entre les dioxines et ces maladies.
Les habitants doutaient, mais ne pouvaient mesurer la pollution
Elle comparaît pour "mise en danger" entre 1999 et 2002 et pour "poursuite d'une installation classée non conforme" entre mars et juin 2002, la justice lui reprochant de ne pas avoir réagi aux demandes de mise aux normes émises par la préfecture. L’usine a d’ailleurs fermé en 2002 à cause de ce manque de conformité et parce qu’il était impossible d’y remédier.
Pourquoi une si longue attente, entre l’installation et la fermeture de l’incinérateur ? Les Maincéens savaient bien que quelque chose clochait : la poussière, les fumées, les odeurs étaient autant d’indices d’une pollution... qu’ils n’avaient pas les moyens de mesurer. Aucune étude épidémiologique n’a été menée, car la population communale est insuffisante pour obtenir des résultats fiables.
En 2000 enfin, l’usine doit être remplacée par une autre et gérée par une autre communauté de communes. Une enquête publique doit alors être conduite pour évaluer la situation environnementale locale.
Les toitures, toujours pleines de dioxines
Elue maire en mars 2001, Pascale Coffinet pousse pour que des analyses soient réalisées. En 2002, le couperet tombe : les rejets de dioxines dans l’atmosphère sont 2260 fois supérieurs aux normes. Un taux hallucinant qui confirme les craintes des habitants, sachant que les dioxines ne sont que les marqueurs prouvant que la pollution provient bien de l’incinérateur. Mais celui-ci expulse également un "cocktail de métaux lourds que l’on a avalé pendant des années", selon Pascale Coffinet.
Pis, l’édile découvre qu’une étude a déjà été réalisée en 1998. Elle montrait également que des taux extrêmement élevés de dioxines étaient produits par l’incinérateur. "Pendant quatre ans, personne n’a rien fait alors que l’on savait, dénonce Pascale Coffinet. Il n’y eu aucune considération pour les riverains."
Le procès se termine ce lundi 11 décembre. Mais le combat ne s’arrête pas pour Maincy. Avec l‘association Avie (1), dont elle est présidente, Pascale Coffinet a fait analyser un bout de toiture de la mairie. Quinze ans après la fermeture de l'usine, elle reste surchargées en dioxines. Les poussières se nichent sous les tuiles et la pollution perdure. Alors l’ancienne maire, elle a quitté ses fonctions en 2008, préconise une solution radicale : que toutes les toitures soient remplacées et tous les "matériaux contaminés" retirés, pour que le cauchemar de 40 ans des villageois s’arrête enfin.
Avec AFP
(1) L’Association de défense des victimes de l’incinération de déchets et de leur environnement