Coronavirus : pourquoi l’essai clinique sur les vers marins a été suspendu ?
L’Agence du médicament a suspendu l’essai prévu sur le sang de ver marin pour traiter les patients Covid-19 en réanimation. En cause : une étude de 2011 qui interroge sur l’innocuité de cette technique.
Du sang de ver marin pour traiter le coronavirus ? Un essai clinique devait être lancé dans les services de réanimation de l’AP-HP, car l’hémoglobine du ver Arenicola marina, isolée et commercialisée par le laboratoire pharmaceutique Hemarina, permettrait une meilleure oxygénation des organismes.
Mais le 9 avril, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a suspendu cet essai. En cause : l’existence d’une étude de 2011 qui sème le trouble. Elle a en effet entraîné le décès des porcs traités par cette technique et n'avait pas été livrée au dossier.
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"Il ne s'agissait pas du même produit"
Un choc pour le docteur Franck Zal, PDG d’Hemarina : "Une lettre anonyme a été envoyée à l’ANSM, parlant d’une étude qui avait été faite en 2011. Cette étude en fait n’a rien à voir avec ce qu’on fait aujourd’hui et ce qu’on avait prévu de faire puisqu’il ne s’agissait absolument pas du même produit " explique-t-il au Magazine de la santé. "Ce n’était pas du tout le produit qu’on utilise aujourd’hui, ce n’était pas du tout le produit qui a été utilisé dans les greffes d’organes, qui a montré à la fois sa sécurité et son efficacité" ajoute le docteur Zal. C’est d’ailleurs cette différence de produit qui avait conduit la société Hemarina à écarter cette étude du dossier envoyé à l’ANSM.
Aujourd’hui, la société Hemarina espère un nouveau feu vert pour cette molécule qui pourrait sauver des vies lorsque l’aide d’un respirateur ne suffit plus et que la solution de la circulation extra-corporelle pour oxygéner le sang est impossible. "Je me battrai jusqu’au bout pour démontrer l’efficacité de ce produit dans le syndrome de déficience respiratoire aigu" souffle le docteur Zal.
De bons résultats pour les greffes
L’essai envisagé contre le Covid-19 était une première : il consistait à injecter la molécule directement à des patients.
Cette même molécule a déjà donné des bons résultats quand des organes y ont été plongés plusieurs heures avant d’être implantés. C’est ce qu’avait par exemple constaté le professeur Laurent Lantieri, chirurgien plastique à l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris, pour une greffe de visage réalisée dans des conditions très difficiles. "Cette molécule nous a permis de conserver les tissus et d’avoir les résultats spectaculaires que nous avons aujourd’hui" rappelle-t-il.
Une décision "éthiquement condamnable"
Pour les greffes, cette molécule de petite taille a été capable de délivrer de l’oxygène dans les tissus malgré l’absence de circulation sanguine. L’espoir est maintenant qu’elle parvienne aussi à contrer les effets du nouveau coronavirus. En effet, de nouvelles études montrent que "le virus du Covid rentre dans les globules rouges humains, se fixe sur l’hémoglobine et peut altérer ses capacités à absorber de l’oxygène" décrit le professeur Lantieri.
Donc "plus on avance dans le temps, plus les arguments pour utiliser cette molécule deviennent pertinents" précise le chirurgien. "Dire que parce qu’il y a des cochons qui sont morts il y a dix ans sur une expérience qui a été faite avec un produit qui n’était pas le produit finalisé, qui était en quantité 80 fois supérieure à ce que nous allions donné, devrait faire arrêter et devrait laisser 500 morts par jour sans aucune possibilité thérapeutique me paraît éthiquement condamnable" proteste-t-il.
Si l’essai prévu à l’AP-HP ne pouvait pas reprendre, d’autres CHU français ainsi que des équipes étrangères seraient prêtes à prendre le relais.