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Coronavirus : quels sont les différents scénarios pour les semaines à venir ?

Pic plus faible, rebond, étalement des cas… Les épidémiologistes envisagent plusieurs scénarios d’évolution de l’épidémie du Covid-19 en France. Leur gravité varie selon l’efficacité des mesures d’isolement.

Laurène Levy
Rédigé le
Crédits Photo : CC0 Domaine Public / Centers for Disease Control and Prevention (CDC)

Alors que l’épidémie de coronavirus s’accélère en France – 1.210 cas supplémentaires en 24 heures, 148 morts ce 17 mars – et continue de progresser dans le monde, à quoi faut-il s’attendre pour les jours et les semaines à venir ?

Jusqu’à présent, "la dynamique de l’épidémie est exponentielle" observe François Blanquart, chercheur en épidémiologie évolutive au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Et si l’épidémie de Covid-19 suit cette dynamique sans aucune intervention, "de l'ordre de 50% des Français auront été infectés à la fin de l’épidémie" estime le chercheur qui s’appuie sur des modèles mathématiques. "Sachant que 5% des cas ont besoin de soins intensifs, et environ 1% décède" ajoute-t-il. Certains calculs font même grimper ce taux de mortalité à 4 ou 5%.

Jusqu’à 500.000 morts si aucune mesure n’était prise

Un scénario dramatique également envisagé par l’épidémiologiste Neil Ferguson, de l’Imperial College à Londres. Ce scientifique a réalisé des modélisations que le gouvernement Français et le journal Le Monde ont consultées. Selon lui, dans le pire des cas, si aucune mesure de prévention ou d’endiguement n’était prise, l’épidémie de Covid-19 pourrait provoquer en France entre 300.000 et 500.000 morts. Dans ce scénario, entre 30.000 et 100.000 lits de soins intensifs seraient nécessaires pour accueillir les patients au pic de l’épidémie.

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Premier scénario : un pic plus étalé

C’est ici que les mesures d’isolement et de distanciation sociale ont un rôle fondamental à jouer. En fonction de leur efficacité, deux scénarios se dégagent en France, selon François Blanquart. Le premier scénario est celui d’un ralentissement de la croissance de l’épidémie grâce aux mesures d’isolement. En effet, "les contacts sociaux sont pourvoyeurs de transmission donc les réduire aura un impact qualitatif, mais très difficile à quantifier pour le moment" relève le docteur Daniel Lévy-Brühl, épidémiologiste responsable de l’unité infection respiratoire et vaccination de Santé publique France.

A condition, bien sûr, que les mesures soient respectées individuellement. "Dans ce cas, le pic épidémique sera moins haut et plus étalé dans le temps" prévoit François Blanquart. Cela permettrait d’ "aplanir" l’épidémie avec l'objectfi qu'elle n’atteigne jamais "un niveau de formes sévères qui dépasse la capacité du système de santé" précise le docteur Lévy-Brühl. L’objectif étant d’étaler les cas pour prendre en charge tous les malades et sauver des vies tout en protégeant en priorité les personnes les plus vulnérables.
Mais si les mesures mises en place ne suffisent pas, "le nombre final d’individus infectés restera très important" ajoute François Blanquart. Il faudra alors "soit intensifier les mesures, soit se préparer à un afflux massif de malades dans les hôpitaux" prédit le chercheur.

Second scénario : un risque de rebond

Le second scénario envisage carrément une inversion de la courbe de l’épidémie "dans quelques semaines, comme cela a été le cas en Chine et en Corée du Sud" si les mesures d’isolement sont plus intenses, avance François Blanquart.  
Le pic épidémique serait alors "bien plus petit, mais l’épidémie pourra rebondir si on lève les mesures" explique François Blanquart. Et pour cause : "il restera beaucoup d’individus non infectés et donc l’épidémie pourrait repartir quasiment au même rythme".

Quand lever la quarantaine ?

C’est pourquoi, dès lors que des mesures de confinement sont appliquées, la question de leur durée d’application se pose. "En Chine, dans la province de Hubei, la quarantaine dure depuis près de deux mois" note le chercheur. Une mesure efficace puisque les autorités n’y enregistrent désormais qu’une dizaine de cas par jour. "Mais dès que la quarantaine sera levée, en l'absence d'autres mesures l’épidémie pourra rebondir. Ce n’est donc pas une solution pérenne" déplore François Blanquart.

A ce problème s’ajoute la question de la saisonnalité : est-ce que la transmission du virus sera moins intense en été ? "On ne sait pas" déplore le chercheur. "Une forte réduction de la transmission en été pourrait empêcher le rebond de l’épidémie… jusqu’à l’hiver 2020-2021" envisage-t-il. "En tout cas, au niveau mondial, le virus va certainement devenir endémique et continuer à se transmettre dans les prochaines années."

Italie, Chine… peut-on en tirer des leçons ?

Mais peut-on vraiment s’appuyer sur les exemples de la Chine, de la Corée du Sud ou encore de l’Italie pour construire des prédictions en France ? "Nous n’avons qu’une faible idée de l’évolution de l’épidémie car nous ne disposons d’aucun historique pour ce virus" reconnaît le docteur Lévy-Brühl. S’appuyer sur l’expérience des autres pays pourrait donc nous aider.

"L’exemple de Wuhan nous montre que si on ne fait pas grand chose, l’épidémie est forte. Celui de l’Italie nous montre que si on ne réagit pas très vite on est rapidement pris de cours, avec un nombre de formes graves et de décès qui dépassent les capacités de prises en charge optimales. Enfin, les exemples de Hong Kong et de Singapour nous montrent que des mesures fermes et sérieuses permettaient de contrôler l’épidémie" détaille le docteur Lévy-Brühl. Mais cela ne suffit pas pour en tirer des conclusions pour la France, car "il n’y a pas que le virus à prendre en compte. Il y a aussi la population, les flux de personnes, la culture, la taille du pays et l’intensité de l'application des mesures" poursuit-il.

Si ces exemples ne sont donc pas applicables à la lettre, la situation italienne peut au moins nous "guider", avance François Blanquart, qui estime que l’épidémie française est similaire à l’italienne, avec une semaine de retard. "En Italie, la quarantaine nationale a été imposée le 9 mars. En comptant cinq jours d’incubation et cinq jours entre les premiers symptômes et le diagnostic, on détecte à un temps t les cas infectés il y a 10 jours" calcule le chercheur. "On observerait donc en fin de semaine l'impact de la quarantaine nationale en Italie." Et on pourra donc voir à ce moment là si un confinement drastique est efficace.

Mutation du virus : qu’est-ce que ça changerait ?

Un facteur inconnu pourrait cependant venir chambouler les scénarios construits aujourd’hui : la mutation du Covid-19. "Le virus mute en permanence, c’est un processus normal" explique François Blanquart. Pour l’instant, les scientifiques s’accordent à dire qu’aucune mutation majeure n’a eu lieu, même si des divergences sans conséquence sur la transmissibilité ou la virulence du virus sont apparues.

Le scénario d'une mutation qui aurait une conséquence sur la transmission du virus n’est cependant pas exclu même si "les virus de la famille des coronavirus mutent moins facilement que celui de la grippe" note le docteur Lévy-Brühl.

Aujourd’hui, avant d’envisager ce scénario, la priorité reste de "se concentrer sur la dynamique épidémiologique" et d’évaluer "l’efficacité des mesures de santé publique" rappelle François Blanquart. Et pour que ces dernières soient optimales, il appartient désormais "à chacun d’adopter des modifications du mode de vie, même si c’est contraignant" enjoint le docteur Lévy-Brühl, avant de conclure : "c’est le prix à payer pour la protection de tous et c’est une bataille que nous devons gagner tous ensemble."

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