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Coronavirus : l’OMS reprend ses essais cliniques sur la chloroquine

Suite aux critiques de certains scientifiques exprimées à l’encontre de l’étude sur l’hydroxychloroquine, le Lancet a publié un avertissement. Les essais cliniques suspendus pourraient désormais reprendre, y compris en France.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / Ovidiu Dugulan

Faut-il ou non reprendre les essais sur l’hydroxychloroquine ? La question se pose après la polémique qui a entouré l’étude publiée dans le Lancet le 22 mai dernier. Après un premier erratum des auteurs concernant les données utilisées, c’est au tour de la revue elle-même d’émettre des réserves sur l’étude dans un avertissement formel publié le 3 juin.

A lire aussi : Etude sur la chloroquine : des scientifiques toujours sceptiques malgré les corrections du Lancet

"Sérieuses questions scientifiques"

Cet avertissement du Lancet prend la forme d'une "expression of concern" ("expression de préoccupation"), déclaration formelle employée par les revues scientifiques pour signifier qu'une étude pose potentiellement problème. Si une "expression of concern" n'est pas aussi lourde de conséquences qu'une rétractation pure et simple, elle est tout de même de nature à jeter le doute.

Dans cette expression, les éditeurs du Lancet soulignent ainsi que "d'importantes questions" planent au sujet de cette publication et que la revue souhaite "alerter les lecteurs sur le fait que de sérieuses questions scientifiques ont été portées à (son) attention".

La méthodologie et l'intégrité des données en cause

A quel type de questions font-ils référence ? L'étude du 22 mai concluait que l'hydroxychloroquine n'était pas bénéfique aux malades du Covid-19 hospitalisés et pouvait même être néfaste. Mais des scientifiques critiquent la fiabilité des données utilisées, collectées dans des hôpitaux par une entreprise américaine, Surgisphere, qui se présente comme une société d'analyse de données de santé.

De nombreux chercheurs ont exprimé leurs doutes concernant la collecte des données, y compris des scientifiques sceptiques sur l'intérêt de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19. Dans une lettre ouverte publiée le 28 mai, des dizaines de scientifiques du monde entier soulignent que l'examen minutieux de l'étude du Lancet soulève "à la fois des inquiétudes liées à la méthodologie et à l'intégrité des données". Un audit sur la société Surgisphere est en cours et devrait prochainement permettre de retracer les données utilisées.

L’OMS reprend ses essais…

Problème, cette étude a eu un retentissement mondial et des répercussions spectaculaires, poussant notamment l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à suspendre les essais cliniques sur l'hydroxychloroquine contre le Covid-19. De même, la France a décidé d’interdire l’usage de ce traitement contre la maladie du coronavirus.

Mais neuf jours après sa décision de suspendre ses essais, l'OMS a annoncé mercredi 3 juin la reprise prochaine des essais. "Nous sommes maintenant assez confiants quant au fait de ne pas avoir constaté de différences dans la mortalité", a en effet déclaré Soumya Swaminathan, scientifique en chef de l'OMS, au cours d'une conférence de presse virtuelle. Après analyse des "données disponibles sur la mortalité", les membres du Comité de sécurité et de suivi ont estimé "qu'il n'y a aucune raison de modifier le protocole" des essais cliniques, a insisté le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Et l’ANSM réexamine sa décision

Même réaction en France, où l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) réexamine sa déclaration du 26 mai qui suspendait par précaution les essais cliniques évaluant l'hydroxychloroquine chez les patients atteints de Covid-19.

Et à l’échelle européenne, l’essai Discovery lancé par l’Inserm devrait également reprendre son volet sur l’hydroxychloroquine, selon le professeur Yazdan Yazdanpanah, infectiologue et directeur du consortium à l’origine du projet, qui s’est confié au Monde.

Et ce sont justement ces essais cliniques qui devraient permettre de mieux évaluer l’efficacité de l’hydroxychloroquine. Car comme le soulignent les signataires de la lettre ouverte du 28 mai, des essais cliniques rigoureux sont toujours nécessaires pour évaluer les médicaments, alors que l'étude controversée du Lancet n'est qu'une compilation de données préexistantes.

La dernière étude en date montre encore une inefficacité

Avant la controverse sur cette étude, d'autres travaux à plus petite échelle étaient parvenus à la même conclusion qu'elle, sans que leur méthodologie fasse l'objet de critiques. C’est encore le cas aujourd’hui, avec une étude publiée le 3 juin dans le New England Journal of Medicine qui conclut cette fois-ci à une inefficacité de l’hydroxychloroquine en traitement préventif contre le Covid-19.

Selon les auteurs américains et canadiens, prendre de l'hydroxychloroquine peu de temps après avoir été exposé au Covid-19 ne permet a priori pas de prévenir une infection. Cette essai "randomisé" mené auprès de 821 personnes "à risque" d’être contaminées suite à une interaction non protégée avec une personne infectée a montré que l’hydroxychloroquine n'était pas beaucoup plus efficace qu'un placebo à cet effet.

L’étude porte néanmoins sur un trop petit nombre de participants pour constituer une preuve irréfutable. Pour que l’efficacité ou l’inefficacité de l’hydroxychloroquine soit démontrée, d’autres travaux sont donc nécessaires et les scientifiques comme les patients doivent encore s’armer de patience.

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